C'est une drôle de sensation. La sensation que ce terrain qui, lentement recouvre son ithyphalle, n'est pas tout à fait inconnu pour lui. Qu'il y a déjà fait ses griffes, et qu'il est de retour à la maison. Parce que c'est comme être chez soi, au sein des chairs brûlantes d'une autre.
Un gémissement foudroyant lui échappe, dès lors qu'elle s'assied sur toute sa sensibilité masculine, épousant la forme de son corps avec le sien. Brûlure instantanée qui recouvre son organe, l'enrobe dans un cocon fabuleux l'espace d'un millénaire. C'est doux, c'est contrôlé, malgré toute la dose d'alcool qu'elle a du ingérer en une soirée. Autour de ses hanches elle trouvera les paumes de son amant, chaleureuses et protectrices, l'accompagnant dans ses ondulations. La saveur de délice explose entre les reins du blond, son menton levé et les lèvres entrouvertes, laissant échapper des injures parfois, mais surtout les râles de son plaisir. Ce sont des grondements rauques, râpeux mais qu'on adore entendre parce que ça flatte l'oreille et les sens. Savoir qu'elle lui procure autant de bien, autant de caresses sublimes tout du long de ses remous.
On dirait qu'elle a fait ça toute sa vie.
Le tambour de son battant cogne plus fort, se presse contre la poitrine nue de la brune. Elle qui monte et descend, agitation rythmée de ses crispations comme si elle voulait garder quelque chose pour elle. Erreur : Sacha augmente la cadence, hausse son bassin à lui pour assister sa moitié. Plus rapide, plus profondément, plus intensément. Elle cache son museau quelque part vers sa nuque, ses doigts labourant la peau du dos de son Adam. Quelques fois la douleur vient, mais disparaît aussitôt, balayée par l'euphorie d'une concupiscence satisfaite. À peine.
Après quelques minutes, il cherche son regard, pierres noires, elles aussi. Un sourire se dessine sur ses lèvres, le genre de sourire qu'on dévore et qui nous échappe parce que c'est comme ça. Il prend le temps d'essayer de contempler un peu mieux les traits de sa nymphe, sa nymphe à lui. Peu importe qu'une rousse vienne interrompre le spectacle : elle en prendra plein les yeux et apprendra à savourer sans rétorquer.
Plus vite, plus vite, plus vite. Il en veut encore, Sacha, encore plus. Ce n'est pas assez, jamais. De plus en plus ses grognements se font appuyés, bestiaux et étouffés. Peut-être que sa victime pourrait le reconnaître sous son joli minois et ses crins blonds. Oui peut-être qu'elle pourrait se dire qu'elle est en train de faire l'amour avec son monstre le plus noir, puisqu'elle semble liée à lui pour toujours, peu importe les sévices. Peu importe le visage et la mort. Destinée à écarter les jambes face à son pire cauchemar. C'est comme ça, dit la fatalité.
Leurs ébats durent longtemps. La vue de Sacha ne ressemble plus à rien, rien à part le reflet d'une lascivité proche de la rupture. Ses reins flambent, terriblement, menacent de tout lâcher, tout envoyer, et il se met à mordre une peau au parfum qui lui est familier. Bercé par la boisson enivrante : il reconnaît. Peut-être est-ce la contraction de ses muscles qui ne lui fait rien dire.
Griffes plantées dans la chair des flancs, il gronde plus fort et trouve refuge près de l'oreille à sa belle. Elle l'entend, qui gémit ? Elle l'entend, qui se fait plaisir ? Elle l'entend, creuser entre ses parois ? Elle l'entend ? Lui son violeur en train de la baiser à nouveau en toute quiétude. Encore quelques minutes, quelques ridicules petites minutes, et elle se sentira le bas-ventre comblé par son homme, substance explicite qui lentement gouttera de son intimité. Amère et délicieuse, opaque et vicieuse.
Chant religieux qui s'achève en chœur merveilleux, celui où le monstre n'est peut-être toujours pas rassasié. L'animal au fond de lui, toujours lorgnant dans sa pénombre, flaire l'odeur qui accompagne l'acte charnel, y percevant les cris d'une proie qu'il a déjà entendue auparavant.
Les cris d'une proie qui est déjà morte une fois.