tw : sang, vomissements
L’écho de sa propre voix l’effraie. Depuis quand est-elle si grave, si distante, si différente ? Les tremblements ne s’arrêtent plus et bientôt c’est tout le reste de son corps qui tremble à l’unisson avec son souffle qui se fait court. Erratique. Ses propres mains qui emprisonnent son visage, qui lui couvre les yeux pour ne plus voir. Pour ne plus sentir cette odeur omniprésente de sang, de
mort qui plane. Pour ne plus rien ressentir, retourner dans le vide. C’est douloureux, c’est violent, c’est perturbant. Il ne sait quoi faire avec tout
ça, ça lui échappe totalement alors que les morceaux de sa psyché finissent par se répandre. Est-ce qu’il crie, est-ce qu’il hurle ? Il aimerait tant. Mais sa voix a disparu après l’appel et il ne reste que les larmes, le sang qui le recouvre presque de la tête aux pieds comme un patchwork macabre et ce corps qui menace de disparaître à tout instant. Il se confronte enfin à qui il est, au plus profond, et il en haït chaque seconde. C’est bien trop difficile et intense, bien trop nouveau et terrifiant.
Il veut s’échapper. S’enfuir.
Laissez-le partir, il le supplie entre deux sanglots.
Dans la panique, il oublie l’existence du téléphone qui se trouvait dans sa main plus tôt et qui gît à côté de lui. Assis à même le sol froid et poisseux, il se recroqueville sur lui-même alors que l’écran indique que l’appel continue. Un temps. Il murmure, il se laisse engloutir par les pensées et les larmes ; comme un navire à la dérive il perd peu à peu le lien avec la réalité et sa vue finit par se brouiller totalement. Le noir, le vide et pourtant il ressent toujours autant : est-ce que ça s’arrêtera un jour ? Il ne mesure aucunement la dimension absolument égoïste de son mal être, bien incapable de prendre le recul nécessaire dans son état.
C’est ta faute, il l’a répété encore et encore. Mais désormais ces mots il les dirige vers lui-même. Il ne peut nier sa part de responsabilité, il ne peut nier qu’il est passé à deux doigts de commettre l’irréparable à ses propres yeux. Se tenir, se faire petit, vivre sa non-vie dans le silence et la discrétion tout ça pour exploser au moins problème, à la moindre frustration. C’est pathétique.
Mais
il a cherché.
Et ça arrangeait bien Wynn.
Alors qui est en tort, maintenant ?
« ... -a...-t'en... »De nouvelles syllabes. Il les comprend -enfin, il essaye. Est-ce qu’il lui demande d’attendre ? Il veut s’enfuir, il veut disparaître, il est horrifié et pourtant il sait. Il sait qu’il mérite d’attendre le jugement et la punition comme l’a tant enseigné son propre père. Qu’est-ce qu’il va lui arriver s’il reste ici, si on le dénonce, s’il se retrouve de nouveau devant la justice ? La spirale l’engloutit et son visage a déjà perdu toutes ses couleurs.
« Va-t'en... »De nouveau immobile, les larmes s’arrêtent un instant. Est-ce qu’
il veut vraiment le laisser partir ? Après
tout ça ? Il secoue la tête par la négative, le visage humide, ses yeux se dévoilant enfin pour le regarder. Ça le révulse et il retient plusieurs haut-le-cœur en plaçant sa main sur sa bouche. Ses épaules se soulèvent sous les convulsions qui secouent son estomac et il se retrouve à genoux, le corps penché en avant. Il doit se retenir, il le
doit. La peur irrationnelle d’être malade, faible. La bête le déchire de l’intérieur, agitée, incontrôlable. Un pied devant lui, il tente de se relever.
Il a raison : il doit partir. Loin. Vite. Avant de replonger. Avant de recommencer.
Avant de l’achever.
Il chancelle, il tangue, il se retient aux murs. Il glisse sa main contre les pierres comme pour se guider mais la texture rugueuse de ces dernières lui abîme les paumes ; il ne ressent plus rien. Il ne veut plus le regarder, c’est au-dessus de ses forces. Un pas après l’autre, il s’échappe enfin de cette allée sombre et pourtant il est loin, très loin de retrouver la lumière. Il s’éloigne avant de totalement disparaître.
Que quelqu’un vienne le sauver.
Que quelqu’un vienne les sauver.