Un gamin capricieux. Capricieux et faussement colérique. Aux allures de faux durs et d'êtres indifférents alors que son regard cherchait le sien. Juste un instant, un court instant, un fragment de seconde, comme pour voir s'il le regardait, approuvait son choix, ses paroles, ses actions. C'était toujours ainsi avec lui, le gamin capricieux en manque d'attention, qui faisait n'importe quoi pour attirer les regards sur lui. Mais le regard qu'il cherchait ne voulait pas voir ce garçon, non pas par lassitude, ou détachement. Non pas parce qu'il en avait rien à faire ou que cela ne le concernait absolument pas. Parce que c'était trop facile d'agir de cette façon, de lui donner ce qu'il désirait, alors même qu'il n'était pas certain de ce que Cassian voulait vraiment. Il ne pouvait pas le lui donner de toute façon, pas aussi simplement, pas en voyant son regard de chien triste réclamant mille caresses. Cela aurait été trop facile. Et la vie, même après la mort, n'avait rien de simple.
Non, c'était même bien plus compliqué. Pas vrai mon pote ?
Des perles de sang, gouttant lentement sur sa peau, créant des sillons rougeoyants tendant à rejoindre la surface du pont. Il semblait énervé, passablement irrité. Ses paroles étaient acerbes, froides, énervées. Son ton plus haut, plus fort, plus impétueux. Cherchait-il à l'impressionner ? À lui faire comprendre qu'il était capable de tout pour arriver à ses fins ? Même porter atteinte à sa propre sécurité ? Ou était-il juste un imbécile qui cherchait à bien se faire voir ? Toulouze ne comprenait pas réellement où voulait en venir le jeune homme, ne comprenait pas son besoin d'attention, d'être regardé, d'avoir une apparence adéquat ou d'être présentable. Toulouze lui, se fichait royalement de tout cela. La seule chose qui le dérangeait vraiment dans sa condition était l'odeur désagréable que son corps dégageait. Mais son apparence, qu'importe. Il y avait des milliers de personnes qui n'en avaient que faire de comment ils pouvaient être. Pourquoi le jeune homme ne pouvait-il pas saisir cela ? Que l'apparence n'avait rien à faire pour ce qu'il était ? Sûrement parce qu'il n'était qu'un imbécile après tout.
Une envie de cigarette, assez forte, assez tentatrice. Toulouze jouait avec le paquet de Teo dans sa poche, se demandant s'il devait le finir et la faire criser à son retour ou bien se tenir tranquille et répondre sincèrement au jeune homme. Ce n'était pas que Cassian lui était insupportable, ou qu'il n'allait pas lui répondre. Loin de lui cette idée. Mais il se voyait mal lui mettre du plomb dans le crâne pour lui faire comprendre les choses. Il n'était pas le mieux placé pour faire une telle chose, pour lui faire la morale de cette façon. Mais peut-être était-ce ce que le jeune zombie avait besoin d'entendre.
- Libre à toi de te créer tous les trous que tu veux si ça te chante. Mais ce n'est pas de cette façon que tu arriveras à être moins repoussant comme tu dis.
Les doigts du basané glissèrent sur la surface lisse de paquet de rouleaux de tabac, un soupir flegme passant entre ses lèvres fines quand il s'octroya le droit de prendre une nouvelle cigarette. L'allumant sous le nez de cet enfant capricieux, le vieux zombie lui lança un regard dénué de colère, ou d'irritation, juste empli d'ennui et d'incompréhension. Ce garçon comprenait-il réellement ce qu'il était en train de dire, de penser ? Certainement pas. Toulouze l'observa, comme on observe un bambin en train de bouder et dont on a pas vraiment envie de s'occuper. Mais qui pourtant, nous donne la responsabilité de le faire.
- Mais c'est pas en prenant de tels risques que t'arrivera à ce que tu veux. Faire attention ne veut pas dire que tu restes là sans rien faire, à te morfondre sur ta mort comme une pleureuse. Tu devrais pourtant le savoir non, tu ne peux pas te fier à tout le monde. Tu t'es déjà fait avoir une fois.
Nouveau rouleau de fumée. Odeur de tabac. Paroles envolées. Des passants traversèrent le pont, encore et toujours. Inlassablement. Et eux restaient là, près du rebord, à discuter d'une chose pourtant si évidente pour le zombie qu'il ne saisissait pas pourquoi il en parlait. Mais semblait-il, le plus jeune avait besoin qu'on lui rappelle qu'il ne pouvait décemment pas faire n'importe quoi. Qu'importe les raisons qui l'animaient. Ce n'était pourtant pas le problème de Toulouze, seulement, inconsciemment, il ne pouvait laisser le jeune homme dans ce qui lui semblait une dérive.
Certainement parce que quelque part, il te ressemble un peu.