Teodora était loin d'imaginer ça, loin d'imaginer ces sentiments là, la puissance qu'ils prendraient une fois révélés, elle sentait ses doigts sur sa main, caressant sa peau, le niveau de complétude qu'elle ressentait et pourtant elle y avait pensé des milliers de fois, ne s'était jamais imaginé ça. Ça avait si mal démarré et pourtant, pourtant elle était là, il était là devant elle et elle n'entendait plus les bruits parasites, elle ne voyait que Toulouze juste devant elle, ses pupilles si bleues, différentes des siennes qui ne le lâchaient pas. Elle lui souriait, vraiment, parce qu'elle ne le faisait pour personne sauf pour ses animaux, et lui. Il était le seul à réussir à lui soutirer ce rictus trop vrai pour elle, trop franc et trop fragile. C'était pour ça qu'elle ne le laissait jamais transparaître, parce qu'il en disait trop long sur elle, il disait toutes ses faiblesses, toute sa fragilité et en même temps toute sa force en si peu, si facile à écraser. Mais étonnement, ce que personne sauf elle aurait pu faire, elle lui faisait une confiance entière, c'était peut être une erreur, mais elle savait qu'elle ne se trompait pas, elle savait qu'elle aurait pu le suivre les yeux fermés. D'aucuns auraient dit qu'il était dangereux, elle le savait, tout comme elle pouvait l'être même si on s'en doutait moins, mais elle savait aussi que volontairement il trouverait toujours un moyen pour lui épargner le plus possible, ce qu'il s'était évertué à faire, elle le savait, ce qui était le mieux pour elle, tout comme elle s'était tuée à faire en sorte de le préserver. Mais le temps n'était plus à ça, ils savaient tous les deux qu'ils représentaient un possible danger pour l'autre sans arriver à se séparer ne serait-ce que d'un centimètre alors qu'elle serrait un peu plus fort ses doigts autour de ceux de Toulouze.
Il soupirait encore, mais différemment, et elle aimait ce soupir, comme elle aimait ses grognements. Elle aimait Toulouze c'était un fait, elle arrivait presque à reconnaître un soupir d’exaspération d'un grognement de colère, elle l'avait tant analysé, elle avait si souvent tenté de démêler ses expressions et ses manifestations d'humeurs qu'elle arrivait plus ou moins à comprendre, parfois moins que plus et parfois le contraire. Il savait, qu'elle ne le laisserait pas, qu'elle resterait collée à lui, qu'elle continuerait à se mêler de ses affaires, qu'elle continuerait de se mêler de ses affaires tout autant qu'elle ne doutait pas qu'il ferait de même. Et enfin, sans qu'elle ne s'y attende il l'avait rapprochée de lui, elle avait senti automatiquement tout son corps se coller à celui du zombie, le visage de Toulouze se loger dans son cou alors qu'elle passait ses bras autour de sa tête, ses longs doigts fins retrouvant ses cheveux et son odeur qui lui avait tant manqué, cette odeur particulière qui avait été si présente dans leur chambre et qui commençait déjà à s'effacer, à lui manquer. Elle s'en enivrait, respirant dans son cou comme il le faisait pour elle, le serrant un peu plus fort, presque pour lui dire à quel point ele avait attendu pour retrouver son contact, à quel point elle avait failli ne pas le laisser à chaque fois qu'il était parti, qu'elle l'avait laissé.
Elle l'entendait marmonner des mots qui la firent rire, oui elle était chiante, incroyablement chiante, il le savait, elle en avait connaissance, elle était un fantôme on ne peut plus chiant, chiant comme on en fait plus. Un genre de chiant qui ne vous lâche pas, qui s'impose. Elle était comme ça Teodora, une morte plus chiante qu'une armée de vivants, même avant, même avant les lumières, la moquette, les tremblements, le monde des morts, elle était née comme ça, avec un potentiel de chiante jamais égalé. Elle riant doucement, le nez toujours dans le cou du zombie. La suite la surprit plus, elle s'était attendue à tout sauf à ça, qu'il lui avoue comme ça, qu'il lui dise de but en blanc, mais son cœur se serrait alors qu'une vague de chaleur gagnait son visage et qu'un sentiment étrange faisait bouger tout son ventre. Il la serrait plus fort alors que ses doigts à elle venaient de nouveau caresser la naissance de ses cheveux, un sourire malicieux aux lèvres, rien que pour lui.
« Peut-être justement parce que je ne fais pas comme tu le dis ? »
Elle n'en savait rien en vrai, elle ne comprenait pas qu'on puisse l'aimer, mais elle était incroyablement contente que l'on puisse, surtout lui, qu'il puisse. Il s'écartait un peu, rien que pour essayer d'essuyer le reste de ses larmes tandis qu'il lui parlait de nouveau, il lui demandait de le laisser si ça tournait mal, elle voulait juste lui dire non, lui dire qu'elle resterait, mais elle savait qu'elle devait faire un effort, elle connaissait ses limites. La métisse le connaissait dans ces moments là et ne doutait pas qu'elle n'avait pas vu le pire alors elle hocha la tête en se mordant la lèvre.
« Tu sais quoi, je vais te dire oui, oui si jamais je vois que je ne peux rien faire, oui si tu me dis à tout prix que je dois m'en aller. »
Elle penchait un peu la tête comme pour le défier, oui elle était capable de le suivre, de l'écouter, de savoir quand il fallait qu'elle s'en aille.
« Mais pas avant que j'aie fait tout ce que je pouvais d'accord ? Après promis, je cours très vite. »
Elle riait un peu en imaginant la scène, sa main toujours liée à la sienne alors qu'elle mourait d'envie de l'embrasser, de se lover dans ses bras et d'y rester jusqu'à la fin de sa retombée en poussière tandis qu'il lui pinçait le nez et qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de rire alors qu'elle passait sa main le long de sa joue et de sa mâchoire, il se penchait vers elle et elle n'avait qu'une envie, l'accueillir à bras ouverts avant que la boîte de malheur ne fasse encore des siennes, lumignons des boutons tous allumés tandis que l'habitacle se stabilisait à nouveau au milieu de deux étages et elle ren riait un peu, il avaient vraiment la poisse quand même. Elle attrapait déjà son sac au sol, sortant son portable, le secouant devant le nez de Toulouze.
« On parie qu'on a toujours pas de réseau ? »
Elle n'y croyait pas trop mais sait-on jamais, elle lui adressait un sourire en coin, la main toujours liée à celle de Toulouze, ne le lâchant pour rien au monde, un regard doux alors qu'elle regardait plus les yeux de Toulouze que l'écran alors qu'elle contrôlait le réseau.