Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
La petite ritournelle
Urie était allongé en travers de son lit dont les draps n'avaient même pas été défaits. Son bras droit lui servait de coussin et il faisait craquer machinalement les phalanges de sa main gauche, les unes après les autres dans un ordre bien précis.
Quelle heure était-il? Est-ce que cette question avait le moindre intérêt maintenant qu’il faisait partie du monde des morts. A moins que… Est-ce que les morts devaient se soucier de l’heure? Encore un truc qu’il devait ajouter à la liste, cette liste qu’il avait étoffé au fur et à mesure de la nuit. Toutes ces questions viraient à l’obsession, elles défilaient dans sa tête, devant ses yeux, sous ses paupières lorsqu’il tentait de trouver le sommeil. Ça n’était pas sa première nuit blanche ici, il en avait déjà deux ou trois à son actif. Et ne pas dormir semblait entamer le cours de ses pensés habituellement limpide.
Il devenait clairement urgent de se renseigner car si la folie mentale existait ici aussi, alors Urie allait sombrer dedans très rapidement. Dans ce monde il n’avait aucune attache ni contact qui aurait pu l’aider à faire déjà partie d’un groupe sans trop d’efforts. Comme si tous les compteurs avaient été remis à zéro, il devait repasser une épreuve d’intégration sociale et ça n’était pas une mince affaire. Enfermé dans sa chambre depuis son arrivée, ressassant ce qu'il s’était passé depuis sa mort. Il était mort, merde. Mort. Son poing se resserra à l’énonciation de cette vérité.
Il ferma les yeux et pris une longue inspiration afin de regagner son sang-froid. Peut-être que s’il les gardait clos encore quelques secondes de plus il pourrait disparaître dans la torpeur d’un sommeil salutaire.
Malheureusement, quelqu’un en avait décidé autrement. Un bruit sourd et régulier résonna dans la pièce. Ses yeux s’étaient ouverts instantanément. Il lui avait fallu un temps pour se rendre compte que quelqu’un était en train de toquer, ou plutôt, de frapper à la porte.
( Y’en a qui choisissent leur moment… )
Il se passa une main sur le visage pour tenter de revenir totalement à lui et se redressa en prenant la peine de refermer un ou deux boutons de sa chemise jusque là ouverte. Une fois debout il alla jusque la porte pour l’ouvrir sèchement. La lumière du couloir lui brûla joyeusement la rétine. Il cligna une ou deux fois des yeux pour faire la mise au point, discernant peu à peu la silhouette d’un inconnu qui le surplombait d’au moins vingt bons centimètres. Sans trop savoir pourquoi ses sens se mirent en alerte face à lui, sa carrure était plutôt imposante et il ne dégageait clairement pas de la sympathie.
Maintenant la porte d'une main, il faisait clairement état de son intention de la refermer rapidement si rien ne l’en empêchait. Il s’appuya contre l’encadrement de la porte et remis de l’ordre dans sa tignasse pendant qu’il lâchait d’un ton monotone :
« Pas la peine de frapper si fort, vous voulez quoi? »
( Tch, les témoins de Jéhovah font aussi du porte à porte ici? )
Urie avait pour ainsi dire une mine de déterré, le teint blafard et des cernes à n'en plus finir. Mélangez le tout, enfermez-le dans une pièce sombre et ça vous donne le stéréotype d'un vampire d'une histoire à dormir debout.
La petite ritournelle
Il se sentait toisé, peut-être même jugé? Urie ne s’était pas regardé dans un miroir mais devinait sans mal que sa tête n’était pas celle des meilleurs jours. Et alors quoi, les morts devaient avoir bonne mine? L’individu en face de lui n’avait pas non plus l’apparence de quelqu’un qui avait trépassé. A part un air hautain, rien chez lui ne laissait présager ce qu’il était réellement.
Le royaume des morts était donc simplement la continuité du royaume des vivants? Quelle était réellement la différence entre les deux, tout semblait si similaire.
Urie avait suivi du regard la main de son vis-à-vis qui s’était placé contre la porte et ne put retenir un rictus en l’écoutant entamer sa première tirade.
( Très bien. Et avec ton café tu voudrais pas des crêpes aussi ducon? )
Il cligna des yeux et secoua lascivement la tête de gauche à droite, jaugeant encore sa réponse. Il devait être tôt s’il parlait de café, quelle heure au juste? Son regard se fixa de nouveau sur les doigts tatoués de son interlocuteur, leur tapotement contre la porte avait quelque chose d’irritant. Il manquait sérieusement de sommeil. Habituellement il savait faire fit de ces bruits agaçants mais là ça s’accumulait et sa patience diminuait à vue d’oeil. Urie était à deux doigts de claquer la porte, quitte à broyer les orteils de ce « charmant » visiteur. Alors que sa main se resserra sur la poignet de porte, le dénommé Eden lui dit enfin quelque chose pour laquelle son intérêt s’éveilla.
L’évocation de sa mort, ou plutôt de ses tortionnaires fit revenir à lui quelques souvenirs assez désagréables. On l’avait torturé comme du vulgaire bétail que l’on pend par les pieds pour le laisser se vider de son sang. Dans ses yeux toutes sortes d’émotions défilèrent le temps d’un instant. La colère, la haine, peut-être une pointe de tristesse avant de finalement revenir à la neutralité. Ce mec avait des choses à lui apprendre, c’était certain.
« J’ai vraiment rien à vous proposer, je viens… d’emménager. Si on peut appeler ça comme ça. »
Ouvrant grand la porte Urie fit volte-face. Avant de s’éloigner de la porte il tendit la main gauche pour chercher à tâtons l’interrupteur. Quand il le trouva il appuya dessus, l’ampoule grésilla avant de bien vouloir éclairer faiblement la pièce. Il laissait à Eden le droit d’entrer dans la pièce qui était au passage dépourvue de toute personnalisation. Quand on passe le plus clair dans son temps dans le noir à réfléchir on ne prend pas vraiment le temps d’accorder les draps avec le tapis.
Jetant un oeil par-dessus son épaule Urie vérifia que son nouvel invité était entré. Une fois la porte close il s’adossa au mur le plus éloigné de la porte. Croisant les bras il fit un mouvement de tête en direction de la chaise à Eden, lui indiquant qu’elle était disponible s’il souhaitait s’asseoir.
« Maintenant que tu es là, expliques-moi ce que tu sais de ces personnes qui m’ont… fait ça. »
Étant donnée la teneur de la discussion qu'ils allaient avoir, Urie était délibérément passé du vouvoiement au tutoiement. Ce genre de courbettes verbales était une perte de temps, Urie l'avait toujours pensé même en faisant partie de l'armée.
Fouillant dans l’une de ses poches il sortit un paquet de cigarettes. Il n’en restait que deux. Cela faisait partie de ses affaires en arrivant et il ne savait pas s’il pouvait en racheter ici alors il les économisait avec grand soin, malgré une envie dévorante de les fumer dix par dix. Les nerfs sûrement. Levant un oeil vers l’autre occupant de la pièce, il hésita mais se ravisa aussi vite.
( Nan, hors de question c’est ma dernière. )
Attrapant une des cigarettes, il la porta à sa bouche et fouilla dans sa poche arrière droite pour en sortir un zippo assez sobre, noir matte plutôt usé par le temps et son utilisation quotidienne. Un "clac" sec retentit quand il l’ouvrit, d’un geste du pouce il fit apparaître une flamme qui illumina son visage lorsqu’il l’approcha de la clope qu’il avait aux lèvres. Ses yeux fixés sur ce petit brasier dont la fumée se dégageait. La flamme disparu aussitôt son forfait accompli et le zippo fut replacé à son endroit originel. Il tira une longue bouffée de ce mélange chimique et lorsqu’il sentit ses poumons totalement remplis, l’expulsa doucement en fermant les yeux.
« Et aussi, j’aimerais savoir, qu’est-ce que tu sais de moi et comment ça se fait que tu ne viennes que maintenant? »
Cela faisait trois ou quatre jours déjà, n’était-ce pas un peu tard pour commencer à rechercher ces types?… Il y avait tellement de questions qui se bousculaient dans sa tête, ainsi il essayait des les ordonner à chaque bouffée qu’il prenait. De sa main qui tenait la cigarette, il se frotta le front avec la phalange de son pouce puis son regard s’accrocha à nouveau à celui de Eden.
La petite ritournelle
Urie observait Eden évoluer dans son appartement. Aucunement besoin de lui dire "fais comme chez toi" il avait déjà le nez dans le frigo et dans les placards. Ce fut même surprenant qu’il y trouve du jus de fruit, peut-être quelque chose qui était laissée à l’intention des nouveaux arrivants, comme du shampooing et des savons. Est-ce qu’il y avait des mignonnettes aussi? De l’alcool aurait pu avoir un certain intérêt. Il vérifierait plus tard.
Expirant une bouffée de fumée assez danse, Urie haussa un sourcil. Il se sentit peut-être décontenancé par la réponse du nouveau venu. Mais étrangement, il compris vite que les priorités n’étaient plus les mêmes à présent. Cela changeait aussi la donne, son interlocuteur n’était clairement pas là pour lui. Ni pour le réconforter vu la teneur de ses paroles, elles étaient sans filtres.
( J’ai vraiment l’air débile pour qu’il me parle aussi lentement ce con? Allez, viens-en aux faits. )
Hochant la tête de gauche à droite concernant la question sur les lémures, Urie écoutait lassivement Eden, chaque détail ou explication qu’il donnait était enregistré dans un recoin de ses pensées. Il fallait qu’il comprenne où il était et quels étaient les enjeux de ce monde. Et même si ce type avait l’air imbus de sa personne, au moins il savait des choses. Vraiment imbus de sa personne, Urie soupira fortement, il l’avait bien entendu articuler le mot « débile » en se stoppant de justesse. Il lui tapait sérieusement sur le système.
( Mais quel connard... fallait que ça tombe sur ma gueule. )
L’ancien militaire serra la mâchoire, il exerça quelques longues pressions, tentant de se calmer. C’était une sorte de tic pour ne pas ouvrir la bouche sans prendre le temps de "tourner sept fois sa langue avant de parler", histoire de retenir quelques pensées disons… mal jaugées. Se faire traiter de con lui fit écraser la cigarette dans le cendrier à sa droite, il devait en jeter le contenu mais pas maintenant encore.
« Ça tombe bien, je pense la même chose de toi. »
S’approchant d’Eden il s’appuya au bord du bureau et croisa à nouveau les bras. Le toisant de bas en haut. Ses cernes accentuaient probablement la froideur de cet échange.
« Très bien j’ai pigé. Ma mort t'emmerde. Avoir été envoyé ici t'emmerde. Tu m’emmerdes. Alors passons aux choses sérieuses. »
Il fouilla à nouveau dans sa poche, la discussion n’allait pas être de tout repos mais au moins les choses étaient claires. Ils ne se piffaient pas, très bien. Au final Urie n’en avait pas grand chose à foutre. Son intérêt se portait clairement sur ce qui pourrait déboucher quant à leur « collaboration ». Oeil pour oeil, dent pour dent. Il avait enfin trouvé un moyen de mettre la main sur ces connards qui lui avaient fait ça. Sa main droite passa dans son cou, ses doigts appuyèrent contre sa carotide, là où pulsait le sang. Il se souvenait encore de cet instant de flottement avant que tout s’arrête. Cet enfoiré avait aspiré sa vie et l’avait condamné à ressasser sa mort sans rien pouvoir y faire.
Il sortit sa dernière clope, l’alluma aussitôt et posa le paquet vide à côté de lui, sur le bord du bureau. Le zippo il joua un peu avec, l’allumant, l’éteignant… Une, deux… trois et quatre fois. Le bruit si sec du couvercle qui se refermait lui permis de fixer un peu ses pensées. Il le rangea dans sa poche de chemise.
« Ils étaient 8, 2 filles, 6 mecs. Leur peau était blanche, aucun accent, leurs coupes de cheveux étaient plutôt punk, crêtes, ou cheveux longs et principalement foncés. On aurait vraiment dit des guignols échappés d’un cirque. »
( Bouffé par des punk à chien putain. )
Il tira sur sa clope une, puis deux fois. Il chercha d’autres détails physiques en laissant les pseudo bienfaits calmants se propager dans son crâne, le long de sa nuque qui était raide.
« Le mec qui m’a fait ça, le blanc de ses yeux était noir. Modification corporelle je dirais. A moins que ce soit commun chez les vampires? Je ne l’ai pas vu chez les autres. Je n’ai rien vu qui aurait pu leur permettre de stocker du sang. Je pense même qu’ils n’en avaient rien à foutre vue la quantité sur les murs, ou à mes pieds. Mes pieds trempais dans un marre de sang et ça n’avait pas l’air des les intéresser. »
Encore une latte. Il fit craquer les phalanges de sa main droite. Pas que son sang à lui. Celui de ses compagnons d’arme aussi. Urie n’était pas tellement de nature sensible. Il bouillonnait intérieurement de rage. Tout ce carnage n’avait été fait que pour le plaisir, l’envie de faire souffrir.
« Ils riaient. On aurait dit des hyènes. Je me demande s’ils étaient pas drogués vue ce qu’ils ont pu me faire. Ils balançaient des idées à haute voix et les réalisaient sans trop se poser de question. "Tu crois qu’on peut lui faire avaler ses yeux?", ha aussi, ils avaient lu quelque part que les ongles protégeaient la partie sensible des doigts… Quels connards. »
Il regarda le bout de ses doigts à ce moment et ressentit un léger frisson lorsque la douleur se rappela à son bon souvenir. Ça semblait tellement anodin comme détail.
« Pas de famille, juste mon père. J’étais dans l’armée, section secrète d’intervention sur les évènements inconnus du grand public. Autrement dit et avec ce que tu m’as expliqué jusqu’ici, je gérais vos merdes. Ça tombe bien, ça veut dire qu’on a déjà collaboré sans le savoir. »
Un sourire suintant l’ironie se dessina sur ses lèvres avant de laisser place à un sérieux aux allures de menaces.
« Je veux en être pour les traquer. J’ai des trucs à régler. »
Attrapant une chainette autour de son cou, Urie fit sortir ses plaques de l’armée de sa chemise. On pouvait voir gravé dessus les lettres « O - ».
« O négatif. Ils choisiraient leur proie en fonction du sang? C’est vrai que je suis le seul de mon équipe à avoir ce groupe sanguin. Je suis aussi le seul avec lequel ils ont joué. »
Rangeant sa plaque, il continuait de réfléchir à des détails qui pouvaient s’avérer utiles. De par sa formation il était d’un naturel vif et savait garder la tête froide, ce qui permettait d’exploiter les informations et éléments utiles. Cela dit, être mort avait pu affecter des éléments de sa mémoire. Mais il ne pouvait pas être sûr de ça et c’était légèrement casse-couilles.
Il replaçant la cigarette à ses lèvres, il se rendit compte qu’elle était éteinte quand l’air qu’il aspira s’avéra être froid et encombré par un mauvais goût de tabac froid.
« Tu n’as vraiment rien comme éléments sur cette affaire de ton côté? Rien, que dalle? »
La clope aux lèvres, il posa à nouveau ses yeux sur Eden qui était juste à sa droite. Ce mec renvoyait l’image "va te faire foutre" même en buvant du jus d’ananas putain, ça craignait.
La petite ritournelle
« C’est devenu brouillon à ce niveau… »
Je frotta mes yeux avec la pliure interne de mon poignet. Réfléchis, concentre-toi. Tu as eu tout le temps de les observer pendant qu’ils te faisaient toutes sortes de choses. Dans mon esprit me revenait chaque blessure infligée ainsi que le tortionnaire qui me l’administrait. Leurs visages se tordaient de rire à chaque hurlement formé par mes lèvres, je les avais mordu à sang pour me retenir d’hurler, cela leur donnait beaucoup trop de plaisir. Mais le corps humain avait ses limites, ma fierté aussi.
« Une avait les cheveux longs, l’autre les avait au niveau de la mâchoire. Un des mecs avait une crête, celui aux yeux noirs les avait très longs. Quant aux autres rien qui m’ait marqué. »
Il me tapait sérieusement sur le système avec ses questions, on aurait dit un interrogatoire. C’est moi qui avait été déglingué dans l’histoire, pas la peine d’être aussi puant avec moi. J’entrepris de tirer une nouvelle fois sur ma cigarette pour m’éclaircir les idées, puis une seconde fois pour calmer mon énervement. Je repris enfin ma description après avoir expulsé toute la fumée de mes poumons. Bonne nouvelle, je n’allais pas mourir d’un putain de cancer.
« Ils avaient un style assez bariolé quoi. Noir principalement mais des couleurs flashies, vert fluo, bleu, rouge, jaune… des mèches de cheveux, maquillage gothique. Leurs yeux étaient fardés de noir. Quant à l’accent, ils étaient japonais, c’est ça que je veux dire par « pas d’accent ». »
Je grimaça, la fumée de ma cigarette était venue lécher ma corner, provoquant une sensation très désagréable. Je mis un peu de distance entre ma main et mon visage, éloignant l’objet de ma douleur. Putain ça fait toujours aussi mal cette merde.
J’écoutais en même temps ce que me disait Eden quant aux groupes sanguins et haussa un sourcil. On aurait un début de piste?
« Ok, ce qui veut dire qu’ils ont de grande chance d’être de mon groupe sanguin. Ça court pas partout le O-, autrement dit ça permet déjà d’avoir un truc sur lequel se fixer… »
Je me gratta le crâne après avoir coincé ma clope entre mes lèvres. Ça restait quand même léger comme informations, un groupe de gothiques bariolés au groupe O-. Je soupira, est-ce qu’on allait vraiment pouvoir foutre la main sur mes tortionnaires? Ces bâtards m’en avaient sacrément fait baver. Je regarda mes bras et jambes un instant, ça avait quelque chose d’encore plus improbable de voir que mon corps ait conservé cette forme… alors qu’il n’en restait que des lambeaux ce soir là. Je frissonna à ce souvenir.
« Moi? Hé bah putain. Encore heureux que je tienne la route. »
Sérieusement, encore heureux que je ne sois pas devenu totalement taré avec ce qui m’était arrivé. Grâce à un entrainement militaire j’avais probablement retenu les informations les plus utiles sans céder à la panique. Grâce à cela l’enquête allait peut-être avancer? Ils se touchaient la nouille pour patiner autant ou quoi?
Eden saisissait les informations sur sa tablette, les complétant probablement avec les détails que je venais d’y ajouter. J’observais le tapotement de ses doigts sur l’écran tactile, ses empreintes laissaient des marques, je pouvais les voir avec le reflet de la lumière.
Je me redressa d’un coup, ça y’est les choses allaient enfin bouger. L’air de rien cette tête de con m’avait donné un truc sur lequel me fixer pour arrêter de faire du sur place. J’aurais quand même aimé qu’il soit plus aimable mais ça c’était une autre paire de manches vue le personnage.
« Je suis le seul qui n’ait pas de troubles alors?.. »
Enfin, sans troubles… On repassera de ce côté là. Je ne dors plus et j’ai l’impression qu’un creux s’est formé en moi. Comme si quelque chose me manquait terriblement et me mettait hors de moi. C’est comme une soif… une soif de vie? J’en sais foutrement rien, mais c’est un sentiment totalement nouveau chez moi… obsessionnel même. Mais je ne sais pas de quoi je crève d’envie exactement.
« Je n’ai rien ici, pas de portable ni d’arme. D’ailleurs il me faudrait deux crans d’arrêt si on doit se faire livrer, style armée. Tu vois l’idée? »
Je remonta un pied sur le bord du bureau, profitant de mon genou pour y poser mon menton. Je fixa mon regard à celui d’Eden et réfléchit un instant. Avais-je besoin de quelque chose d’autre? Bah, puisqu’il le demandait hein, autant faire passer ça aussi.
« Un Ipod et des écouteurs. »
Je souris aux derniers mots de mon vis-à-vis. Dormir? Et comment? J’avais déjà des impatiences lorsque j’étais allongé. Alors maintenant que je savais qu’on allait pouvoir remonter leur piste j’étais obnubilé par ce que j’allais leur faire à ces connards.
« Plus vite on gère ça et mieux je me porterai crois-moi. Alors, on fait quoi maintenant? »
Quittant le bureau comme appui, je m’étira pour faire craquer quelques articulations, faire rouler quelques muscles. Je voulais agir, maintenant. Je gambergeais depuis trop longtemps alors il était temps de se bouger le cul. Je fixais toujours Eden, attendant ses instructions. Après tout il en savait plus que moi ici, ça me dérangeais à peine d’être "dirigé" par ce mec totalement antipathique.
La petite ritournelle
« … »
Le truc qui me fit tiquer, c’est que son visage ne concordait pas avec sa remarque. J'avais du mal à savoir s'il rigolait, le timing passait avec la rigolade, mais... On aurait dit qu’il avait envie de m’en foutre une. Et pourtant, étrangement sa remarque m’arracha un sourire suivit d’un soupire. Je ne soupirais pas parce qu’il m’exaspérait, enfin, pas là. Ce soupire était plus proche d’un rire étouffé à moitié avoué.
« Tu m’en diras tant. Et tu vas aussi me dire que j’ai une tête de déterré c’est ça? Pour un mort ça sonne bien. »
Écrasant ma cigarette dans le cendrier mon air stoïque repris le dessus malgré moi. Je n’y pouvais rien c’était naturel d’avoir un air passif. A croire qu’on était deux coincés des expressions lui et moi. Probablement un de nos points communs dont je n’avais juste pas envie de faire la liste. Ce mec me sortait par le nez mais je crois qu’on se le rendait assez bien. Pour preuve de sa seconde remarque agacée. J’haussais les épaules, au moins j’avais essayé de le faire passer, cela dit ça m’aurait carrément surpris de le voir accepter.
« Au pire si le portable est pas trop pourrave, juste les écouteurs. Les ossements c’est votre système monétaire c’est ça?.. J’ai l’impression d’être dans un jeu vidéo. »
Je manquais sérieusement de quelque chose pour m’occuper l’esprit. Alors je tentais quelques trucs avec lui comme donner l’impression qu’on renonce à quelque chose pour récupérer l’autre chose que l’on veut vraiment. Ça pouvait éventuellement fonctionner. Enfin, ce type ne faisait pas forcément partie de la norme avec qui il était utile de faire ce genre de stratagème boiteux. Tant pis, j’me démerderai autrement.
« Va pour l’infirmerie, mais laisse-moi une minute pour enfiler autre chose. »
Non pas que je me sente sale, mais ma chemise était froissée et j’avais besoin d’avoir l’air un minimum… présentable? Était-ce nécessaire dans ce monde? Je pensais que ouais, tout avait l’air plus ou moins pareil. Sentir le phoque et ressembler à un épouvantail ne pouvait pas être une mode ici.
Pendant que je me dirigeais vers mon armoire, il me demanda si j’avais un sac à dos, est-ce qu’il avait écouté ce que je lui avais dit? Je n’avais rien ici. Le stricte nécessaire, brosse à dent, savon, du change et rien d’autre.
« Je t’ai déjà dit que j’avais que dalle. Ajoute le sur la liste des trucs à prendre. »
Dos à lui, je lui fis un signe lasse de la main, une sorte de « gère ça ». J’ôtais ma chemise pour la jeter en boule sur le lit. Ma peau habituellement halée avait peut-être un peu perdu de sa couleur. Quelques longs réseaux de veines se dessinaient par transparence. Je n’étais pas si imposant que cela mais mon corps avait été façonné par des années d’entraînement. Comme je n’étais pas grand je faisais attention à ne pas trop en faire, je ne voulais pas tomber dans le stéréotype du mec petit qui faisait de la gonflette. Mon dos avait une forme en V et cela s’accentua une fois mon t-shirt plus près du corps mis. Un t-shirt simple et noir. Revenant vers mon interlocuteur, je resserra ma ceinture de jean.
« Ma gueule et moi-même t’emmerdons, amicalement. Je suis du genre passe partout, toi par contre tu risques de foutre les j’tons aux patients. »
Hop, ça c’était cadeau. Non sérieusement, ça me faisais plaisir de lui rendre l’appareil quant aux remarques de merde. C’en était presque amusant car je crois qu’avec nos deux têtes on allait puer l’amabilité à des kilomètres à la ronde.
Les mains dans les poches, je continuais nerveusement à jouer avec mon zippo. Il me fallait toujours quelque chose pour m’occuper les mains, je n’y pouvais rien c’était devenu plus fort que moi ces derniers temps. Une nervosité qui s’amplifiait au fur et à mesure des jours. Un vide qui se creusait sans que j’ai le moindre doute de sa nature. Au fond de moi sommeillait une faim que je ne soupçonnais pas encore…
Je me dirigeais vers la porte que j’ouvris. Me tenant toujours dans la chambre, je lui adressais un mouvement de tête accompagné de quelques mots. Je lui laissais le passage libre pour qu’il prenne la tête de la marche.
« Si monsieur veut bien se donner la peine... J’te suis pour l’infirmerie. »
Le tout sur un ton à peine sarcastique. Tiens, tes bonnes manières. Allez, maintenant bouge ton cul et sortons de cette piaule de pâtisseries et confiseries à t’en donner la gerbe. Et pendant que je fouillais dans ma poche arrière droite de jean pour trouver mon trousseau, je le laissais passer le palier de la porte. Faisant ensuite de même, je fermais la porte à clef.
Tournant la clef dans la serrure et faisant s'actionner une multitude de mécanismes, une question me traversa l’esprit. On parlait de ma mort, de mes informations, mais je ne connaissais pas grand chose sur ce gars. Il avait l’air de connaître pas mal de choses malgré un caractère aussi joyeux qu’une pierre morte.
« Ça fait longtemps que t’es ici? »
On allait passer un moment ensemble et se fixer dans le blanc des yeux m’allait très bien mais ça allait être tellement long… Au moins, une fois cette histoire tirée au claire nous serions capable de savoir si mon poing lui terminerait dans les dents ou non. J’étais sûr qu’intérieurement il se faisait des probabilités pour que ça arrive ce con.