PARTIE I : La Créature de Yoyogi
Tu te baladais, tranquillement. C’était une froide nuit de 1976, et tu marchais dans le parc de Tokyo, petite bouteille de liqueur à la main. Rien d’inhabituel. Encore une nuit sans sommeil, où tes cauchemars t’avaient poussé à fuir à l’extérieur, dans un endroit plus calme que ta tête et plus sombre que ton esprit, si tel lieu existait. Milieu de la nuit, il n’y avait pas un rat pour venir te déranger, et tu en étais bien aise. Pour une fois, tu ne voulais pas passer un moment à ridiculiser quelqu’un, ton désir était uniquement celui de te relaxer, passer une nuit sans problèmes, espérant que tu parviendrais à t’endormir à ton retour dans ta demeure.
Ce n’était cependant pas que l’envie de sérénité qui t’avait conduite là, mais aussi des rumeurs. D’étranges rumeurs, qui tenaient certains visiteurs du parc éloignés lorsque la nuit tombait. La rumeur, la légende d’un monstre. Habituel, tu avais tout d’abord pensé. Des monstres, il y en avait à tous les coins de rue dans la ville de Tokyo, toi-même tu te faisais entrer dans cette catégorie. Mais là, ils parlaient d’un monstre étrange, inconnu, un fantôme, un mystère. Une créature tout droit sortie des Enfers, à trois têtes aux yeux rouges sang, au poil noir comme la nuit. Un Cerbère du Monde des Morts.
C’était donc avec une certaine curiosité que tu avais décidé de te lancer dans le parc, à la recherche de cette créature. Tout d’abord, rien. Une heure était passée, et pas un être vivant à l’horizon. Puis une deuxième heure, toujours rien. Perdant quelque peu ta motivation, tu décidas de t’asseoir et d’attendre. Posant ta bouteille à tes côtés, tu sortis Cas’ de ton colt et commença à le frotter avec ta m…
Tu fis alors tomber ta bouteille, dont le contenu s’étala sur le sol. Un grognement s’échappa de ta bouche, c’était l’une des choses qui te mettait le plus rapidement en rogne, perdre ta boisson. Tu relevas alors le goulot et le referma avant de le re-ranger dans ta poche, ne désirant pas perdre ne serait-ce qu’une goutte de plus du précieux liquide. Mais, portant à nouveau ton attention sur le nettoyage de ton arme, ton oreille quasi féline entendit un bruit, et tes sens te prévinrent d’une présence à tes côtés.
Tu n’avais pas peur, après tout ton arme était dans tes mains, mais une certaine excitation monta en toi. Tu le voyais du coin de l’œil, avec la faible lumière du lampadaire. Une créature noire comme l’ébène, grande. Lorsque tu tournas ta tête vers elle, tu vis alors ses grands yeux rouges te fixer. Six yeux de couleur rubis, qui t’observaient alors qu’une grande langue léchait la liqueur étalée sur la banquette. Ne bougeant pas, ne faisant pas un son, tu observas la chose, tentant de la détailler dans l’obscurité. C’était clairement un chien, ou quelque chose qui y ressemblait, une chose beaucoup plus grande qu’un canidé moyen, tu n’en doutais pas. La créature était proche du mètre en hauteur, et ses longs poils lui donnaient un air menaçant, comme si sa seule fourrure pouvait écraser Vaska en un instant. Mais bien-sûr, sa plus grande particularité était celle de ses yeux.
C’était donc ça qui effrayait les passants ? Un chien ?
Tu te tournas enfin vers la créature, tendant ta main vers elle. La grosse tête avança, frôla ta paume de son museau, la sentit un instant avant de la lécher de sa longue langue, puis recula et disparut dans l’obscurité. Mais tu n’allais pas le laisser partir de cette façon, ô que non. Alors tu le suivi, tant bien que mal au travers du parc, entre les cerisiers. Malgré son énorme taille, l’obscurité t’empêchait de bien voir le canidé dans la nuit, le perdant une ou deux fois entre les plantes. Puis, soudainement, il disparut.
Tu cherchas encore un moment, mais rien n’y fit. L’alcool commençait à sérieusement menacer ton système cognitif, et tu ne pouvais pas te permettre de ne rater ne serait-ce qu’une heure de sommeil. Alors tu quitta l’endroit.