With friends like these... [violent]

La nuit couvrait la ville de son doux voile de mystère, et la triste foule répugnante fuyait les sombres rues pour se terrer dans les abris que les miséreux appelaient leurs foyers. Ce n'était bien sûr pas le cas de Viktor. Il faisait partie des ombres qui rôdaient la nuit, le genre de figure au loin qu'on cherchait à éviter à tout prix. S'il semblait calme le jour, les quelques heures nocturnes durant lesquelles il rodait étaient les silencieux témoins de sa bestialité. Il n'était vraiment pas colérique de nature, il avait voyagé en pleine nature pendant bien trop longtemps et avait été un sympathique compagnon pour quiconque s'intéressait à lui, mais la ville a créé un monstre qu'elle allait également subir. Tout en ville le contrariait, les transports trop petits, le bruit omniprésent et envahissant, et surtout les regards hébétés de la masse. Voila où était le vrai problème du croisé. Il abhorrait l'humanité en général. Il avait eu quelques vrais amis, des esprits supérieurs, mais tout ce qu'il avait à ses pieds aujourd'hui était une masse informe de demi-humains qui se croyaient utiles parce qu'ils étaient uniques. Mais Viktor l'avait vu au fil du temps, l'humanité n'est qu'un attroupement de connards insensibles, tous avides d'argent et de pouvoir, essayant de se donner bonne conscience tous les jours à l'aide de sourires et de divertissements insipides. Mais ce n'était même pas ce qui execrait Viktor le plus, non c'était bel et bien la folie qui habitait chaque humain depuis le premier. Tous deviennent fous au fil du temps, et les quelques lumières qui faisaient exception à cette règle étaient étouffées par de sombres mains pour que les plus puissants gardent un contrôle sur les foules. L'appât du gain avait pourri l'Homme jusqu'à la moëlle, il était irrécupérable, conscient de sa folie mais l'idolâtrant. Viktor avait cru au rêve communiste, depuis le royaume des morts, mais il avait vu deux camarades tomber et un troisième monter une dictature oppressive.

C'est depuis ce jour-là que Viktor avait commencé à haïr ses confrères. C'était pour lui une preuve suffisante que la corruption appelée "argent" avait possédée tous les tréfonds de nos esprits, jusqu'au plus profond de nos âmes. Toutes les vies humaines s'accrochait à ce simple concept et tournaient autour. Et Viktor, au milieu, avait sciemment pris part au festin. Il était devenu un autre mouton, mais un mouton lucide, qui pouvait prendre du recul pour voir qu'il s'était fièrement integré au système et en rire. Ses proches l'avaient compris, il arpenterait ce soir Tokyo à la recherche de victimes sur lesquelles défouler sa rage, avant de leur retirer toute possession matérielle de valeur et de se moquer de leur faiblesse.

Assis sur son banc, il riait bruyamment de sa propre insanité, ce qui avait le mérite de faire fuir les quelques courageux qui marchaient encore à une heure aussi tardive. Il regarda la montre maladroitement enroulée autour de son doigt métallique. 03:07, il était temps. Il y avait toujours des affaires louches à base de potions qui se tramaient dans les rues les plus sombres de la ville. Un regard mauvais, un sourire carnassier, et une soif de sang se cachaient ensemble derrière son si beau casque. Il se délectait du cliquetis de son armure à chacun de ses pas, arme en main, lorsqu'il entendit au loin une voix s'élever. Il ne lui en fallait pas plus, et il se dirigea vers la source du bruit, sa main tremblant d'anticipation. Il assista à une scène finalement très commune, décevante même. Trois petites frappes encerclaient un minus avec un gros sac sur les épaules, sans doute un nécromancien tentant de faire passer en douce des potions ou des drogues. Viktor s'approcha rapidement, il n'essayait même pas de cacher sa présence, pourquoi faire? Il n'arriva évidemment pas furtivement, et fut remarqué par un des malfrats qui se retourna. Viktor faisait déjà des moulinets avec sa masse pour s'échauffer et faisait craquer les articulations de son coup, mais le potentiel boxeur face à lui adoptait une posture de combat et essayait de le dissuader.
"Toi, je sais pas d'où tu sors, mais casse toi c'est pas tes affaires"

Pauvre petit. Il voulait paraître tout puissant avec ses frèles bras mais ses jambes tremblantes ne mentaient pas. Le croisé ne prit pas le temps de répondre. Il n'avait pas à être subtil aujourd'hui. Un cinglant coup de masse sortant des ombres vint briser la garde du petit homme, sous le regard hébété de ses complices, qui étaient malheureusement trop lents pour le sauver. Viktor n'avait pas besoin de technique de combat, ou de bottes secrètes pour mettre des opposants à terre, son instinct sanguinaire suffisait. C'est pourquoi un douloureux coup de botte obligea la racaille à poser un bras à terre. C'était déjà la fin pour lui, Viktor était un peu déçu intérieurement. Il comptait cependant profiter du spectacle dont il était le chef d'orchestre. Le titant recula, passa la masse dans son dos, et se délécta du bref moment où le lourd métal écrasa la tête effrayée du jeunot sur le sol tandis qu'il posait un genoux au sol pour gagner en force. Il ne lui avait pas brisé le crâne, non, et il n'était même pas sûr qu'il aurait pu, mais seul un miracle hospitalier permettrait à ce connard de mâcher une salade un jour. Il se releva lentement, un rire dément s'échappant des interstices de son armure. Il ne voyait même plus le nécromancien au sol, ni le troisième malfrat, juste sa prochaine cible. Cette dernière avait eu le temps de se mettre en garde, son visage déformé par la terreur. Il ne tentait même pas de fuir, ce qui excita le monstre au plus haut point. Pas d'arme pour celui-là, il fallait profiter de ses joeuts avant de les casser. Le pauvre lapin horrifié tenta finalement de reculer, mais un rapide uppercut le surpris, tandis que la main droite dur croisé avait tracé son chemin jusqu'a sa nuque. C'était aussi fini pour lui. Viktor empoigna son frèle coup et le traîna pour le jeter contre un humide mur en pierre, et avant que le petit n'ait le temps de comprendre ce qui lui arrivait, l'épaule de Viktor vint frapper son torse. Il s'écroula, le souffle coupé, au bord de l'asphyxie. Viktor chercha sa troisième friandise en balayant la ruelle du regard, mais elle avait déjà disparue. Déçu, il s'agenouilla devant le mioche pétrifié et son sac, et posa une main amicale sur son épaule.
"Tout va bien petit, les méchants ont fui. Dis moi, que fais tu donc ici?"
"Je... Je venais vendre des potions à un client, mais il voulait pas être vu et... merci... Mais ils me sont tombés dessus... J... J'ai eu peur. Je..."

Viktor sourit. Un sourire carnassier, sa main gantée glissa lentement sur l'épaule du petit, et un froid pouce vint doucement caresser la pomme d'adam de cette petite gorge tandis que le reste des doigts commençaient à raffermir dangereusement leur prise.
"Ah, tu allais donc vendre des potions c'est ça? Mais que dirais-tu d'aller la bas avec ton copain Viktor? Il t'a bien aidé, tu pourrais partager le butin n'est-ce pas?"
Le casque du croisé se rapprocha lentement du visage épouvanté du petit, qui avait enfin compris le merdier dans lequel il s'était fourré.
"Tu ne voudrais pas contrarier ton bon ami Viktor, pas vrai?"

Viktor le savait, il était comme tous les autres, mais lui l'avait compris, et surtout il l'avait accepté.

Codage par Libella sur Graphiorum