Shop scowting ft. Olympe

Fixant son amie à tentacules, Maya attendait le verdict, trépignant nerveusement d’un pied sur l’autre et mordillant ses lèvres avec anxiété. C’était comme si Ollie détenait un bout de sa vie sur la langue, comme si ses paroles offriraient à Maya un espoir radieux ou de pluvieuses inquiétudes. Ses premières réflexions sur le lieu firent bondir le coeur de la plus jeune des deux, laquelle n’était pas encore certaine de pouvoir laisser libre cours à une joie peut-être prématurée.

Mais au fur et à mesure des paroles d’Ollie, les lèvres de Maya se retroussèrent davantage en un sourire bienheureux et incrédule. Jusqu’à ce qu’elle lui murmure, au creux de son oreille, ces petits mots merveilleux qui approuvaient la visite.

Maya la regarda quelques instants avec un grand sourire, avant de se tourner en sautillant vers l’agente immobilière, parlant avec un débit de paroles très rapide pour conter la magnificence du lieu et son désir de l’acquérir. Son enthousiasme semblait d’ailleurs communicatif et l’agente était ravie de voir une telle réaction chez sa cliente.

Naviguant de-ci de-là dans les différentes pièces, Maya voyait son choix et sa détermination renforcée à chaque pas ; C’était une perle rare idéale pour son projet, et un petit rafraîchissement pour le mettre à ses goûts l’approcherait de la perfection. Elle s’y projetait totalement, imaginant à haute voix l’endroit où serait disposé un canapé, et une plante, et un plan de travail…

L’heure des papiers sonna, évidemment ; Passage obligé en la matière pour qu’une proposition soit faite en bonne et due forme. Les documents préparés par Maya rejoignirent un dossier portant ses espoirs ; préférant ne pas risquer d’être devancée, la jeune chimère décida de signer aussitôt pour cette visite qui était un véritable coup de coeur. Après un échange et des lectures de papier fastidieuses, les dés étaient jetés et il n’y avait plus qu’à attendre le verdict qui tomberait bientôt - à savoir si son dossier serait ou non accepté.

Après cet échange administratif qui sembla durer une éternité, les deux filles ressortirent enfin de l’espérée future boutique, Maya ne se départissant pas d’un sourire remontant jusqu’à ses oreilles.

— Tu as encore un peu de jus dans les tentacules ? Je t’offre le repas !

L’occasion de voir au passage ce qui se faisait dans les alentours - mais surtout, but premier, de remercier Ollie qui avait été là pour l’épauler dans cette dure matinée ! Maya vouait une grande reconnaissance à son amie de l’avoir accompagnée tout au long de cette journée digne de montagnes russes. Et tant pis pour les visites suivantes, jetées aux oubliettes : elle miserait tout sur ce local, la journée avait déjà été suffisamment remplie !

C'est sous mes yeux agités que les mains sont serrées, les ententes s'accordent, tout rentre dans tout. Je crois avoir rarement vu Maya aussi enthousiaste, ou alors le mot plus exact c'est agité. Elle tient plus en place, j'en viens à craindre qu'elle se fasse des crampes à sautiller sur place. Mais tout va bien, justement, tout va merveilleusement bien.

Je surveille distraitement les papiers qui circulent, survole ce qui traverse mon champ de vision. Tout est fait un peu trop hâtivement tout de même, mais je ne peux pas tellement reprendre ma collègue. Et puis, je dois m'inquiéter pour rien encore, je fais toujours ça. Je vois mon amie sourire comme jamais, c'est tout ce qui compte, je chasse les idées noires et me convainc que c'est bon. On a le droit d'avoir de la chance, parfois.

On sort enfin, et s'il est une chose que je me suis retenue de dire, c'est que je suis ravie que c'en soit fini. Note à toi-même: ne pas trimballer ta saleté de caisse à outil la prochaine fois. Je sais vraiment pas ce qui m'a traversé l'esprit, faut que j'arrête d'être bête, ça m'aiderait. Et puisqu'elle est adorable, elle se rappelle de mes limites, m'invite aussi.

"J'ai tout juste assez de force pour rejoindre la chaise la plus proche, après ça, je bouge plus."

Évidemment, je prends volontiers la collation qui va avec. On a quelque chose à fêter, que diable! Et puis, si ça peut ne pas être à mes frais, aussi, je vais pas me plaindre. J'imagine qu'on pose un lapin à quelques agences avec qui elle avait pris rendez-vous, mais au stade ou j'en suis, j'en ressens même pas de culpabilité.

Je traverse tout juste une dizaine de mètre avant de m'affaler en terrasse, la première, je sais même pas quel genre de restaurant ou bar c'est. Je suis assise. Bref, j'attend nos premières boissons, lève mon verre enfin:

"Bon, alors, à ton futur commerce!"

C'est vrai que ç'aurait pas été étrange qu'elle puisse juste se dire que c'est fini et en profiter. Maya s'agite sous mes yeux, à paniquer et s'imaginer le pire. Ça me fait un peu rire, c'est vrai, ça lui ressemble tellement que j'aurais dû le prévoir.

"Évidemment que c'est long, on peut pas laisser n'importe qui faire n'importe quoi. Mais ça ira, ça ira..."

J'ai aucune preuve matérielle et tangible que ça ira, mais franchement, j'en suis certaine. Parce qu'il n'y a pas de raison que ça foire, nulle part, on avait tout bien fait. Enfin, moi plus que n'importe qui devrait savoir que même quand tout a l'air bien fait, il peut arriver des catastrophes, mais c'est pas important.

Elle me remercie encore, dans un sens j'ai envie d'être humble et dire que c'était rien, dans l'autre je songe quand même que c'était une épreuve de la suivre. Voilà, je cède à la facilité, ça me flatte et j'accepte ses mercis, ça me fait plaisir même si ça me gêne un peu.

"Y'a pas de problème, on refait ça quand tu veux."

Voilà, fuir par l'humour, change jamais Olympe. J'espère qu'elle va pas me prendre au mot, par contre. On refait pas ça avant deux ou trois ans c'est hors de question. Enfin, je dis ça, mais franchement si elle me demandait demain je saurais pas dire non...

"Faudra que je me libère, du coup, préviens-moi à l'avance. C'est quand même une grande occasion, ça m'embêterait de la rater."

Pauvre, pauvre Maya. Mon petit complot arriver à son terme: j'ai sécurisé un café pour commérer entre amies. Ouais, tu parles d'un complot, au fond j'y investirai plus d'efforts que je devrais. Je sais pas comploter, en fait. Par contre, quelque chose me dit que la forme du gâteau à mon nom va me laisser de marbre.