Amours désabusées
1, les sentiments déformés par le temps et la négligence. "Un couple, faut l'entretenir tous les jours", comme l'a dit un con. Mensonge éhonté. Un couple n'est pas une corvée
2 ; mais même lorsque l'attention est donnée, les choses peuvent déraper. Un accident, une chose hors de contrôle. Peut-être la goutte de trop, car après, d'un cri de colère, un
C'est fini !, que l'on regrette amèrement plus tard. Mais la vie est truffée de regrets et il faut avancer. Ce qu'ils ont fait.
3Une matinée à courir dans tous les sens, une boule au ventre. Rancœurs amères ? Pas vraiment. Nécessité oblige, Anathema est à la recherche d'un ancien bien-aimé. Relation cordiale, c'est ce qui était le plus utile pour ces deux-là.
4Recherche futile ; M. Aikawa n'était tout simplement pas là. Cette information, à bien des égards, était étrange. Hisa ne ratait jamais un jour de travail ! Bien trop consciencieux, le vieil amour se voulait parfait. Toujours présent, bien soigné, dossiers rangés et classés. Son bureau était en bazar. Un sourcil relevé, d'étonnement. Mais bon, Anathema n'était pas un expert ; certainement pas fin limier et probablement pas psychologue. Pourtant, il savait certaines choses. Ça ? Ce n'était pas normal.
Alors, il n'y avait qu'un lieu où se rendre. Seul endroit encore acceptable, car ailleurs, c'était peu probable.
-- "Qu'est-ce que tu fais là ?"
Question peu innocente.
Certain.e.s diraient qu'il n'y avait plus d'amour entre eux, peut-être personne extérieure qui refuse de voir la vérité. Plus d'amour. Mensonge cruel. Il y avait de l'amour. Anathema avait de l'amour. Il était capable d'en éprouver, d'en donner. Peut-être qu'il y a quelques années, il aurait dû le montrer plus clairement ? Mais aujourd'hui, c'était inutile, car il n'y avait plus de
romance.
5 Et c'était différent. Mais il y avait toujours de l'amour.
Parce qu'Anathema en avait tant à donner, mais qu’il ne savait pas comment.
— "Tu n'étais pas à ton bureau, alors je suis venu ici."
À ignorer le vrai sens de la question. Il faisait semblant de ne pas comprendre réellement. Peut-être avait-il été aveuglé par les mensonges, par les "
Tout va bien" et les "
Je suis juste un peu fatigué". Il s'en veut, tu sais ? Il fait de son mieux, et c'est pas toujours suffisant. Mais pour le moment, c'est tout ce qu'il peut donner.
— "Laisse-moi entrer, j'ai besoin que tu m'aides à remplir ces fichus papiers."
Et pour appuyer ses dires, le poltergeist sort un tas de feuilles administratives. Si au départ, véritable raison, maintenant n’est que vulgaires prétexte pour rentrer, pour le voir, lui. Pour se rassurer soi-même. Parce qu'Anathema a peur. Peur de perdre quelqu'un qui a compté dans sa vie. Malgré les désaccords, malgré les disputes, malgré les larmes. Malgré une conversation à trois heures du matin, parce qu'aucun ne parvenait à dormir, et parce qu'il fallait en finir, pour de bon, dans le calme, après les cris
3. Parce que c'était mieux ainsi.
Mais Anathema n'a jamais su renoncer ; peut-être qu'Hisa non plus, au fond. Qu'est-ce qu'il en sait ? Enfin, toi. Toi tu le sais très bien.
-- "Tu vas pas laisser ton ex-mari dehors ?", morsure de lèvre, incertitude, "N'est-ce pas ?"
Le doute est raisonnable.
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