Vamployer les grands moyens - [Louis & Zdenka]

“Lascaux, et je dirai même que l'appartement lui-même est tout sauf catastrophique.”
“Ah Lascaux… Comme les grottes, j’imagine ?”
“Reposant et tranquille, même. Maintenant, mes colocataires…”

Il ne croit pas si bien dire - comme les grottes. Louis s’est toujours questionné, qui fût cet esprit passablement tordu qui avait créé ces appartements ? Encore quelqu’un qui ne s’était pas assez amusé dans sa vie, probablement. Et voilà maintenant que ces frasques vous retombent dessus. Qu’importe, il n’a pas l’argent - ni même l’envie - d’aller voir ailleurs.

“Mais rien ne dit que les pires éléments vont rester, alors l'espoir tient.”
“Il est vrai qu’il y a toujours beaucoup de mouvements… Du moins, si l’on compte les quatre nouvelles têtes chez-moi.”

Louis est l’un des vieux de l’appartement, il est vrai que cela doit jouer. Non pas le plus âgé, mais l’un de ceux qui est resté le plus longtemps. Est-ce que ça joue, sur sa manière de voir ses colocataires ? Probablement. Après tout, il parvient à les supporter. Du moins pour la plupart.

Mais Louis n’est pas des plus difficiles à vivre, il faut dire.

“J'espère que tu as été plus chanceux, pour ta part.”
“Oh, celui dont j’ai hérité est parfaitement normal. Si on oublie que les meubles font entre cinq et dix fois la taille d’un meuble classique.”

Autrement ? Il serait presque vivable.
Mais pour Louis, boiteux ? Pas simple, il faut avouer.

“Et qu’il n’y a qu’un seul lit gigantesque également. Ce qui me- hm déplaît fortement. Mais on a de la place, et on s’arrange pour l’intimité. Par chance, mes colocataires sont pour la plupart bienveillants.”

Pour la plupart. Tout est dit.
Il avait hésité, lors de la tombée en poussière de Camille, à reprendre son appartement en plus de sa boutique. Mais il ne l’a pas fait - trop étrange à ses yeux. Quelqu’un a probablement pris sa place, désormais.

“Mais j’essaie de rendre le tout plus facile d’accès, si je puis dire. Je mentirai si je disais que je n’y ai pas pensé en priorité pour ma propre poire.”

Ah, Gulliver. Évidemment, Zdenka a déjà eu vent de l'appartement démesuré, se souvient l'avoir visité parfois. Les souvenirs sont flous et lointains, perdus entre d'autres, il lui reste seulement une vague idée de ce que doit subir Louis. Elle le comprend un peu, au moins.

Quoiqu'à l'écouter, un vent neuf avait dû le changer inévitablement. Quatre nouveaux morts, c'est énorme. Et effectivement, elle se figurait mal le vampire escaladant les montagnes de tissus à la sueur de son front. Ça dénote trop avec son attitude sereine et noble, puis c'est peu flatteur. Elle ne peut pas retenir, cependant:

"Comme quoi, tu partages ton lit plus que je n'aurais pensé."

Elle ricane, ça l'amuse. Il lui en faut peu pour rire, c'est vrai, surtout quand c'est grivois. Au fond, elle pourrait presque jalouser le vampire, et échangerait volontiers de place avec lui puisque sa propre compagnie forcée est en majorité agréable. Il refuserait probablement, autant ne rien proposer. Quand il avoue un brin d'égoïsme, la polonaise hausse les épaules pour le rassurer.

"Vouloir pouvoir se balader chez soi librement et y travailler, c'est quand même pas impensable. Et puis, rien ne dit que d'autres avec des problèmes similaires ne te suivront pas."

Toute sorte de morts passent par Tokyo, peu restent en somme, mais les problèmes de mobilité ne sont pas rares. Le duo arrive devant la première volée d'escaliers, les deux ne doivent probablement pas appréhender de la même manière comment les affronter. Zdenka se demande comment lui apporter assistance, s'il a besoin seulement de son aide. Au fond, il doit être plus qu'habitué, après cent ans. Il ne lui traverse évidemment pas l'esprit de prendre ses propres emplettes entre ses propres mains.

“Comme quoi, tu partages ton lit plus que je n'aurais pensé.”
“AH ! Tu ne crois pas si bien dire.”

Il sourit, amusé par la boutade. Avant de froncer des sourcils, brusquement intrigué par cette même boutade - le prendrais-tu pour un abstinent ? Voyons, ce n’est pas parce qu’il a plus de cinquante ans, cent-vingt en vérité, et que son seul et unique amour est décédé voilà près de trente années qu’il a pour autant arrêté toute activité sportive régulière.

Il t’apparaît vraiment de la sorte ?
Il en serait presque vexé.

“Eh mais, attends-voir…”
“Vouloir pouvoir se balader chez soi librement et y travailler, c'est quand même pas impensable.”
“Ah, à part pour celui ou celle qui a desingné cet appartement…”
“Et puis, rien ne dit que d'autres avec des problèmes similaires ne te suivront pas.”

Et puis même sans canne ou tout autre boiterie - les autres colocataires s’en trouvent plutôt ravis de ne pas avoir à risquer leur vie pour aller ouvrir un simple placard. Du moins, les travaux sont loin d’être terminés, et Louis a sans cesse de nouvelles idées. Fort heureusement, Constantine est souvent là pour l’aider à les réaliser. Encore une fois, il ne peut tout faire tout seul. C’est réellement vexant pour le coup.

Ah et en parlant du loup.
Les escaliers.

“Hm. Dommage que l’ascenseur soit démoniaque, n’est-ce pas ?”

Vraiment dommage. C’eut été plus simple. A croire que le Tokyo des morts n’a pas été pensé pour les handicapés. Mais que veut-il donc ? Il a encore près de sept siècles à tenir.

“Ne t’arrête pas pour moi si je traîne trop, par ailleurs. Troisième sous-sol, c’est bien ça ? Je te rejoins.”

Il rit de bon coeur un temps, avant de réaliser ou comprendre ce que ça veut dire. Qu'importe, le début de protestationZ est noyé dans la suite de la discussion, tant mieux. Zdenka est sauve.

Mais pas Louis, face à l'une de ses pires némésis. Trois étages. L'affaire de quelques minutes pour l'une, un travail laborieux et risqué pour l'autre. Elle se gausse de son injonction à continuer, ça lui rappelle un peu les plus nobles sacrifices galants des fictions chevaleresques dont elle s'est nourrie pendant des siècles.

"Oh non, brave héros au trésor mien, que ferais-je sans vous si l'escalier vous vainc? Ô RUINE! N'y a-t-il pour sort funèbre à mon être, que la solitude ou au pied de l'escalier avec vous paître?"

Elle n'avait pas pris le temps de compter les syllabes, mais aimait la manière dont ça sonnait quand même. Elle partait peut-être du principe que le vampire allait chuter tôt ou tard, mais à se débattre entre la canne et la pile de tissus, ça paraissait probable. Elle redevient sérieuse un instant, tout de même, l'attend au milieu des marches.

"Mais je ne démordrai pas de l'idée que l'ascenseur est en réalité maudit par un nécromancien. Avec tout ce qui traîne là-dehors, qu'un pouvoir soit de derégler les ascenseur ne semble pas impossible."

On ne la croira jamais, mais elle répétera toujours sa théorie à qui veut l'entendre. C'est si limpide, pourtant.

“Oh non, brave héros au trésor mien, que ferais-je sans vous si l'escalier vous vainc ? Ô RUINE ! N'y a-t-il pour sort funèbre à mon être, que la solitude ou au pied de l'escalier avec vous paître ?”
“N’y aurait-il pas là une légère exagération de ta part ?”

Non pas que Louis n’était pas friand de poésie, entendons-nous bien sûr. Mais disons qu’il n’est pas tout à fait sûr qu’une telle démonstration lyrique soit nécessaire pour trois étages qu’il va - il est vrai - bien peiner à escalader.

Dire qu’il rêvait de Mont Blanc et d’Everest.
Dire qu’il pourrait sans soucis faire réparer sa jambe.

La descente commence alors, non sans mal mais avec une habitude qui est désormais la sienne. On sent tout de même une certaine expérience dans ses pas, une marche après l’autre, et dans cette manière qu’il a de se tenir légèrement sur le côté, appuyé sans cesse sur sa jambe la plus forte. Tout un art, il est vrai.

“Mais je ne démordrai pas de l'idée que l'ascenseur est en réalité maudit par un nécromancien. Avec tout ce qui traîne là-dehors, qu'un pouvoir soit de dérégler les ascenseur ne semble pas impossible.”
“Hm, par ici, on ne s’étonnerait plus de rien, n’est-ce pas ?”

Il répond, en haussant les épaules. Arrivé à ta hauteur, il souffle un instant en laissant les sacs au sol, pour reposer ses bras meurtris.

“Dis-moi donc, si jamais il s’avère que c’est bien un nécromancien… Tu ne pourrais pas…? Hm tu sais, jouer un peu de tes cristaux pour- hm. Temporairement régler le problème ? Ou bien est-il nécessaire que le coupable soit dans les parages ?”

Car franchement, si tu t’avères capable d’une telle prouesse, il pourrait bien continuer à porter tes sacs tous les jours, tant est si peu que tu règles ce problème d’ascenseur.

Surprenamment, la vampire la suit dans sa théorie, semble même la croire sur parole et surenchérir. Il était bien le premier, évidemment, à ne pas lui répéter que l'ascenseur était simplement maudit et que rien n'y ferait jamais. Il est évidemment investi dans la résolution du problème, y trouvant un certain interêt personnel. Mais, au risque de le décevoir, elle soupire l'air contrit.

"Crois bien que j'ai tout essayé pour régler ça seule, et je ne manque pas d'expérience. Il me faut le taquin sous la main."

De là, la solution pouvait être de taire son pouvoir tout les jours, ou de le menotter à un lampadaire pour lui apprendre une leçon. Zdenka avait choisi quel sort lui réservait, reste que le filou demeurait introuvable. Peut-être parce qu'il n'y en avait pas, de base, mais comment lui expliquer?

"Et sois certain que si je le trouve, je te laisserai lui toucher deux mots."

Il n'était certes pas exclu que Louis ressente la même pointe de ressentiment envers l'hypothéthique coupable, mais elle ne le pensait pas vraiment assez méchant pour la prendre au mot. Quoiqu'en y repensant, elle l'avait vu s'énerver doucement quelques minutes plus tôt, peut-être que le grand gaillard était plus irritable que ne le laissait paraître sa stature distinguée. La polonaise remarque les sacs traînant tristement par terre, s'inquiète un petit peu.

"Tu préfères que je les porte, peut-être? Je ne voudrais pas que tu te fasses mal, quand même."

Il a beau faire cinq têtes de plus (à la louche) et paraître plus vieux pour les vivants, ce n'est aux yeux de l'ancienne qu'un petit jeune, l'instinct maternel revient au galop. Elle est à deux doigts de lui interdire les couteaux pointus de peur qu'il ne parvienne à se blesser.

“Crois bien que j'ai tout essayé pour régler ça seule, et je ne manque pas d'expérience. Il me faut le taquin sous la main.”
“Ah. C’est fort dommage.”
“Et sois certain que si je le trouve, je te laisserai lui toucher deux mots.”
“Oh, j’en serais ravi, crois-bien.”

Car s’il a réellement moyen de raisonner la pauvre âme qui a commis pareil forfait, il ne se gênerait pas. Quoi qu’il n’est même pas certain que la pauvre âme en question soit encore de ce monde, ou qu’elle existe réellement. L’ascenseur est peut-être tout simplement maudit, après tout ?

Il se demande ce que pourrait faire le Roi.
Puis il se rappelle que le Roi n’a plus toute sa tête.

“Tu préfères que je les porte, peut-être? Je ne voudrais pas que tu te fasses mal, quand même.”
“Oh, pas d’inquiétude à avoir. J’ai porté bien plus lourds que quelques sacs de vêtements dans ma vie. Quoi qu’à cette période, je n’avais pas une jambe en semi-état de fonctionnement, je l’admets. Hm.”

Il omets de préciser qu’il parle de la Grande Guerre, et des corps qu’il a dû entasser dans une brouette pour les évacuer du no man’s land, et aller les enterrer plus loin, espérant leur donner un sépulture à peu près décente dans cet Enfer.

Des souvenirs moyennement enthousiasmants, pour sûr.
D’autant qu’ils le réveillent encore la nuit.

“M’enfin qu’importe. Nous sommes presque à ta porte. La prochaine fois, nous prévoirons un sac cabas, ce sera probablement bien plus simple.”

Celui avec les roues disposées en triangle, pour les escaliers.

La polonaise ne peut pas vraiment saisir les pensées sombres derrière les mots innocents du vampire. Non pas qu'elle aie manqué d'expérience répugnantes dans sa vie, et particulièrement de son vivant, mais la stature de Louis si propre et calme l'empêche de pouvoir lui imaginer une existence de galère. Cependant, elle en vient à se demander comment le gaillard a pu perdre l'usage parfait de son membre, se demande si c'est indiscret. Dans le doute, elle préfère taire la question.

"Tu sais, il suffirait d'une potion pour réparer tout ça. Enfin, je pense."

Non pas qu'avoir recours à l'aide des nécromanciens ne l'enchante de manière générale, mais forcée de constater que les potions sont parmis les outils de confort les plus puissants dans cette non-vie. De fait, elle avait du mal à se rappeler d'un monde sans leur influence tant elle a passé d'années chez les morts.

Et si l'idée de trimballer un sac est pragmatiquement efficace, Zdenka la confronte à des limites plus personelles. Presque sur le ton de l'humour, elle lui confie:

"Louis, je ne peux pas me permettre de traîner un sac à roulette en public. Pense à mon image, enfin. Ton labeur est le prix de mon immaculéité."

Mais bon, l'ancienne note. Plutôt qu'une chemise, elle lui offrira peut-être un cabas serti d'or en toiles nobles, ou quelque chose. Et si ça n'existe pas, elle le fera faire sur mesure. En voilà, une idée brillante.

"Allez, je te libère, mon sauveur. Je devrai être capable de tout porter jusqu'à ma chambre."

Encore heureux.

“Tu sais, il suffirait d'une potion pour réparer tout ça. Enfin, je pense.”
“Oh voyons, ne me sous-estime pas : je suis une vraie tête de vache, et je refuse catégoriquement de prendre une quelconque potion.”

Non pas une crainte quelconque, Louis en sa qualité de vampire ne risque rien et il est bien au courant. Par contre, il est peut-être fier - trop il est vrai - pour en être réduit à telle bassesse, d’autant concernant un handicap qui toute sa vie ou presque l’aura suivi. Non, vraiment, il n’est pas prêt à le faire.

Il est plus près à - justement - se balader avec un sac cabas. Quand bien sa crédibilité en prendrait un coup, comme tu te plais si bien à le faire remarquer.

“Louis, je ne peux pas me permettre de traîner un sac à roulettes en public. Pense à mon image, enfin. Ton labeur est le prix de mon immaculéité.”
“N’ose pas me dire que tu as dépassé l’âge, je sais que c’est parfaitement faux.”

Un sourire amusé sur les traits.
Ah vraiment, peut-être qu’il ne te le rappellera jamais assez.

La porte de ton appartement apparaît enfin, devant laquelle il dépose tes sacs en soufflant peut-être un peu fort, bras meurtris et jambes douloureuses. Le calvaire fini, il se redresse, toujours dignement. Réajuste sa chemise, et époussette ses vêtements.

“Eh bien, quelle aventure pour ces vêtements. Mais ils en valaient la peine, à ne pas mentir.”

Il inspire un peu, devant cette porte.

“Hm je ne voudrais pas ennuyer tes colocataires. Et puis il faut avouer que j’ai encore quelques étages à descendre, et je tiens à être rentré avant deux heures du matin.”

Ah, oui. Louis est trop têtu pour guérir son handicap par quelque miraculeuse potion. En vérité, Zdenka n'a aucune légitimité à le lui reprocher, elle peut être encore plus bornée parfois. Ça ne l'empêche évidemment pas de soupirer, lasse, de commenter avec une certaine fatalité.

"Ah, les hommes et leurs idées finies."

C'est pas vraiment un reproche, elle comprend en un sens l'envie de garder sa jambe telle quelle. Comme une part de son identité, comme un trait constant. La polonaise ne ratait simplement aucune occasion de reprocher quelque chose à la gent masculine, le vampire avait malencontreusement tendu une perche.

La majesté reprend son dû en main, non sans subir une remarque amusée du jeune mort. Enfin, la jeunesse est une valeur relative, mais l'ancienne sait parfaitement avoir facilement le double de son âge. Quelque chose dans les manières ne trompe pas. Elle laisse l'affront couler, c'est bien le minimum qu'elle lui devait après une journée en tant que mule. Il refuse de passer la porte d'entrée, elle hoche la tête en approbation.

"Crois-moi sur parole: tu te rends un service à ne pas les rencontrer. Vraiment."

Vient le temps des adieus, des départs douloureux. Non, pas vraiment, les deux avaient encore l'occasion de se croiser en quelques siècles, surtout dans les locaux de la camarilla. M'enfin, c'était l'impression que ça donnait.

"Merci de m'avoir accompagnée aujourd'hui, ça m'a fait plaisir. Et bon courage pour rentrer, aussi. Si tant est que c'est du courage qu'il faille."

Souhaiter bonne patience n'est quand même pas élégant, de toute façon.