ABAB! - [Sadie & Astard]

Puisque notre capitaine est maître de tout, il est aussi maître du subterfuge. Il a une technique rodée, depuis des siècles déjà, conceptualisée par des sages avant lui, quelques millénaires plus tôt. Il respire lourdement, se prépare à la métamorphose, cherche le calme dans son esprit avant d'entreprendre le rituel ancien, revivre la tradition perdue. Le Cap'n Astard Wealdbord abandonnait son corps et son nom, il devenait Serene Wyrdwood.

Il enfile donc une bague chimérisante. Et tadah! Notre protagoniste n'est plus un capitaine, mais une capitaine. Avec une belle queue de loutre qui dépasse de son futal, et encore plus de fourrure que sous sa forme masculine. Parfait. Il revêt des vieux tissus à la mode d'une époque qu'il a traversée, usés mais dont l'usure fait le charme, se donne un air de gosse des rues du XIXè. Il faut dire que ses nouveaux poils de loutre ont l'avantage de cacher les rides, il est parfaitement méconnaissable.

Un dernier regard à son reflet dans le miroir pour s'assurer que rien ne cloche, il enfile un berêt casquette franchement anachronique et se faufile entre les allées jusqu'au point de rendez-vous. Aujourd'hui, il avait voulu apprendre à grapher, avait aussi su trouver son mentor.

"Hey, Sadie."

Sa propre voix -bien trop aigüe- le surprend un instant, mais il garde un air naturel. Encore un peu incertain des conventions sociales entre "jeunes" (comprenez ici: personnes de moins de 150 ans), il va pour lui serrer la main. Faut voir si elle accepte.

"C'est c'te mur qu'on va redécorer?"

Repeindre, même. Aux couleurs de l'Irlande, votre terre de coeur mutuelle. Fidèle à lui-même, il n'a absolument rien préparé, venu la fleur au fusil et les mains dans les poches. À la limite, il a toujours une paire d'oranges pour faire du pigment.

Inflitration: réussie. Contre toute attente, en fait, mais la Cap'n se plaint pas du résultat. Comme quoi, tout se joue à la gueule, il avait même pas eu à faire d'efforts ou tenter de fabriquer un mensonge. C'est pas mal, d'être une chimère, ça ouvre des portes. Il ne justifie même pas de la connaître, c'est pas important, ça passe.

La petite parle vite. Genre vraiment vite, autant qu'Astard en fait, mais pas avec le même accent. Et les expressions de jeunes, ça lui sonne creux à l'oreille, il bredouille par mimétisme:

"Ouais j'ai capté."

À peu près, au moins l'essentiel. Bon, il en mène pas large, se retrouver en cellule en étant sous l'effet d'une bague, c'était certain de lui attirer des embrouilles au moment où l'effet passerait. Mais il peut pas non plus paraître peureux ou poltron, dur dilemme.

"Mais bédame j'ai eu ma dose de garde-à-vues, si vos machins partent en foire, j'me tire."

Pour l'heure, il restait curieux de voir ce que ça deviendrait. Il suivait, se tenant à légère distance, apprenait des jeunes. Ça lui faisait mal de pas avoir son tricorne, mais on a rien sans sacrifice.

Bon, les présentations devaient se faire, c'est comme ça que ça se passe normalement. Le pirate avait pas tellement songé à se trouver un faux nom, mais improviser restait franchement dans ses cordes.

"Moi c'est Cliona, enchantée."

Les jeunes disent encore "enchantée"? Notre protagoniste se pose la question un peu tard, comme très -très- souvent d'ailleurs, mais c'est pas si grave. L'important, c'est de tout faire avec détermination et panache pour faire croire que c'est naturel.

Il faut évoquer quand même qu'à entendre le mot "bombe", ses yeux s'étaient illuminés de malice enfantine. Puis ils s'étaient éteints assez rapidement en apprenant que c'était des affaires de peintre, pas les joujous qui faisaient boom comme il avait appris à les faire. Dommage, il était passé à deux pas d'assister à un joli feu d'artifice, il a même un peu de mal à cacher sa déception. On lui a vendu du rêve, vous dis-je.

Il regard en coin la leadeuse s'énerver, balancer des ordres à la va-vite, lui filer une cannette. Disons-le: notre héros est un peu amusé. Ça lui rappelle sa propre vie, à beugler des commandes en mer. Ça a pas tellement changé dans la mort, à ceci près que prendre le large n'est plus une question de vie ou de mort. Sadie est peut-être une graine de capitaine, faut voir.

"T'inquiète, grande, j'ai de l'expérience dans les bastons foireuses"

Les bagarres de bar, surtout, et plusieurs siècles d'expérience même. Mais bon, il reste flou sur les détails, faudrait pas griller sa -brillante- couverture. Bon, soyons honnêtes quand même: si les chimères se mettent à crier, il est autant dans le pétrin que quiconque viendrait s'opposer au groupe. Mais l'aventure ne se fait jamais sans risque, il suit toujours.

"Ça marche comment ces trucs, par contre?"

Tout en marchant, il tente de retourner l'objet dans ses mains sous tous les angles. Forcé de constater, y'a pas de bouton pour allumer le courant, il comprend pas. Il comprend pas grand chose de manière générale, ouais, d'accord.