Late-night poisoned Waltz w. Basil Hirsch

Caresser quoi ? Shizuma ne comprend pas et le regarde avec la même expression de bénêt que plus tôt. D’ailleurs, il oublie très vite ce dont il était question quand Basil accepte finalement de lui laisser son couteau. Shizuma secoue vivement la tête (et seulement la tête) aux instructions (ou ce qui y ressemble).

Jamais, jamais, jamais, jamais, Boubou-chan. Je suis pas violent !

Il est un peu déconnecté mais pas complètement stupide. Ou en tout cas, il n’est pas tout le temps complètement stupide. Il sait que ce qu’il dit n’a aucune valeur à cause des tatouages qui tapissent sa peau. Il estime qu’il a bien gagné son doigt à la rédemption depuis et puis, il le pense ! Il ne ferait pas de mal à une mouche… encore moins au seul nécromancien en qui il a confiance.

Je serai sage comme une image, promis.

Et c’est précisément ce qu’il fait. Il attend patiemment sur le côté, observe Basil à l’oeuvre, un peu dégoûté, un peu angoissé mais il a surtout hâte d’en avoir fini avec cette histoire. Il a oublié la nausée depuis qu’il est arrivé ici mais y repenser ramène cette dernière avec la même vigueur que plus tôt. Si sa carnation de zombie ne suffisait pas, il est encore plus pâle qu’avant.

Il use de toutes les forces qu’il lui reste pour écouter les instructions de Basil, un peu dans les vapes. Un silence s’installe quand il lui demande de répéter et il le regarde comme s’il avait parlé une langue inconnue, avant que les branchements de son cerveau ne se refassent tout naturellement.

Je me rince la bouche avec, j’avale pas et je recrache. Je… il regarde la tronche de la potion qui ne lui dit rien qui vaille, avant de revenir à Basil. C-combien de temps ?

Prenant sa réponse en compte, il attrape la fiole tendue pour en boire le contenu sans avaler… pour l’instant. Parce que c’est délicieux. C’est sucré et un peu acidulé et ça lui rappelle les boissons sucrées qu’il buvait quand il était petit, genre… vraiment petit. Pas petit fantôme, non, petit de son vivant.

Il se tourne vers Basil. Il n’a pas envie de recracher, il a juste envie d’avaler !

PILE : Shizuma avale.
FACE : Shizuma recrache.

Shizuma a un peu le cœur brisé lorsqu’il recrache la mixture dans l’évier. Il ne l’aurait pas fait chez lui parce qu’il s’en fiche mais là, il est chez Basil. Alors il ouvre l’eau pour rincer ce qui vient de macérer dans sa bouche et se tourne vers lui. Ses mots enlève une certaine pression de ses épaules mais surtout : ils brisent la barre désagréable qui lui coupait l’estomac depuis tout à l’heure. Les sensations dans son bras ne sont pas tout à fait revenues (pas du tout, même) mais sa confiance en Basil, aveugle et naïve et bien mignonne fait ses plus belles prouesses placebo.

Sa paume caresse distraitement la lame du couteau. La surface lisse et froide l’apaise : il sait que ce n’est pas fini. Il reste des ingrédients encore inutilisés sur la table. Il prend une grande inspiration pour calmer son angoisse mais c’est déjà un peu plus simple qu’avant. Il trouve un certain réconfort dans le travail des doigts de l’homme avec lui. Il se souvient d’autres mains, plus fines, plus gracieuses, plus habiles aussi, et du sentiment de sécurité qu’elles lui inspiraient. Quelque-chose le gratte en lui et puis ne le gratte plus. Il n’y a plus de mains gracieuses.

Il entend le grondement, le vrombissement que fait la gorge de Basil ne lui dit rien qui vaille et il finit par comprendre. Ce qu’il reste d’humain en lui grimace et frissonne à la vue de l’immondice qui s’échoue lamentablement dans la mixture, mais il relativise bien assez vite. Il y a bien pire, bien plus sale et bien plus désagréable quand on sent son corps pourrir jour après jour.

La réalisation, plus terre à terre que toutes les autres qu’il ait eu ce soir, fait brutalement redescendre son excitation d’être finalement guéri (quoique temporairement, il connaît son bras) et de pouvoir retourner sur scène. Il attrape le flacon la mort dans l’âme, le visage vidé de son énergie et de son pétillant habituel et il fait ce qu’on lui demande. Il est habitué aux sautes d’humeur maintenant : il a appris à les canaliser et à en tirer le maximum. Il en profite pour faire sa comptabilité, ranger son côté de la coloc’ ou essayer de rattraper les conneries qu’il a pu faire dans la semaine.

Merci, il murmure presque en posant le récipient vide.

Il a déjà hâte du prochain bus. Là, c’est juste gênant. Et il déteste qu’on le perçoive ainsi ; il n’est pas stupide. Il sait que la différence est flagrante. Mais il déteste cette facette de lui-même, celle qui est épuisée, plate, inintéressante et qui trouve qu’il y a peut-être un peu trop de couleurs dans sa garde-robe.

Désolé de t’avoir dérangé aussi tard, il ajoute, remuant son épaule pour faire bouger son bras amorphe. Est-ce que… je peux t’emprunter ta salle de bain ? Juste deux minutes.

Basil reste celui que Shizuma connait et il lui en est silencieusement reconnaissant. Il n’aime pas qu’on cherche à comprendre, qu’on essaye de trouver ce qui ne va pas parce qu’en fait, tout va très bien. Il ne se sent pas particulièrement triste ou mal. Il est peut-être éventuellement nostalgique des instants précédents où il s’amusait davantage et passait un meilleur moment mais il sait que ça reviendra et que ce n’est pas perdu. Cette facette de lui est impossible à balayer sur le côté : elle est ce qu’il reste de son temps passé en vie, ce qu’il reste du souvenir qu’est devenu Vela et qu’il ne parvient pas à oublier. Cette facette existe pour que toutes les autres puissent vivre sa mort dans l’insouciance. Il a fait la paix avec cette idée depuis longtemps et les marques ne sont plus aussi profondes et douloureuses qu’elles l’ont été par le passé.

Il hausse un sourcil à sa proposition et l’écoute sans l’interrompre, avant de hocher la tête. Il ne lui viendrait pas à l’idée de fouiller ses placards pour l’instant. Il ne sait pas quand sa frénésie habituelle reprendra et préfère ne pas faire de promesses qu’il est incapable de tenir. Néanmoins, la moindre des choses, c’est d’acquiescer aux termes de Basil.

C’est là qu’il se rend compte qu’il l’a toujours entre les mains. Il le repose sans opposer la moindre résistance et hoche la tête.

Je n’en ai pas pour longtemps.

Aussitôt engouffré dans la salle de bain, il travaille un moment sur sa respiration pour ne pas céder à la nausée et à l’angoisse qui suivent la prise des potions de Basil. C’est irrationnel, il le sait, et c’est aussi pour ça qu’il a hâte que l’interrupteur clique.

Il ne tarde pas à trouver le démaquillant et le reflet qu’il croise dans le miroir l’effraie presque. Alors il se dépêche de faire disparaître la peinture loin d’être fraiche et considère la douche un instant… avant de décider que ce serait une bonne idée, en sachant la nuit qu’il a passé. Il n’est pas long, mais c’est seulement parce qu’il n’est pas chez lui. Même si les vêtements ne sont plus très frais, quand il revient à Basil, c’est tout aussi guilleret qu’à son arrivée à son show. Et tout va mieux, sans préavis aucun. Toutes ses angoisses s’envolent.

Basil, Basil, Basil, tu m’as sauvé. Qu’est-ce que je ferai sans toi, hein ?

Et sans avertissement, Shizuma se jette dans ses bras.

Shizuma n’a pas envie de le lâcher, non, non. Il est bien, là, dans des bras chauds. Enfin, est-ce qu’il est vraiment dans ses bras ? Pas sûr. Il n’y fait pas trop attention, à vrai dire. Est-ce que ce n’est pas plutôt l’inverse ? Est-ce que ce n’est pas plutôt Basil qui est dans ses bras plutôt que Shizuma dans les siens ? Il écarte un peu sa tête et effectivement…

Il dépasse déjà Basil de quelques centimètres en temps normal, mais c’est la première fois qu’il lui rend visite on-fleek, armé de ses plateformes de seize centimètres. Il doit baisser la tête pour le regarder. C’est mignon, Shizuma remarque alors qu’il rend sa liberté à Basil et fait un pas en arrière. Et maintenant quoi ? Est-ce qu’il devrait lui faire un deuxième câlin pour lui montrer à quel point il est reconnaissant ? Hm.

C’est une excellente idée, finit-il par décider. Mais l’impulsion n’a pas le temps de trouver son chemin et avant qu’il ne puisse esquisser le moindre geste, c’est Basil qui le prend de court. Shizuma penche la tête sur le côté, un air bénêt sur le visage et la bouche en « o » alors qu’il se demande ce que le nécromancien lui réserve. Il lui fait confiance, aveuglément confiance même. Shizuma est une poupée de chiffon quand Basil lui prend sa main avant même qu’il n’ait réellement eu le temps de la tendre de lui-même. Il se laisse faire, tout docile qu’il est. Il observe les doigts de Basil avec une certaine curiosité et regarde avec un peu d’incompréhension la bague être passée autour de son annulaire.

Pour une fois, Shizuma reste silencieux. Il amène sa main près de son visage, inspecte le bijou. Il est joli : violet avec une petite pierre d’une couleur un peu plus intense en son centre. Shizuma aime bien le violet. Ce n’est pas sa couleur préférée (il préfère le rose, et de très loin), mais il adore en porter quand il revêtit sa persona Taeko. Elle est trop subtile et discrète pour apprécier les mêmes roses qui le font vibrer.

Son regard alterne entre la bague et Basil. Est-ce que… ? Il éclate de rire, un rire aigu et amusé, presque timide, presque… presque…

Oh Basil, il est si rare de l’entendre appeler qui que ce soit qu’il apprécie autrement que par un surnom niais. Tu grilles des étapes ! Est-ce que tu ne devrais pas m’inviter à boire un verre d’abord ?

Il n’a jamais été marié avant, mais il est presque sûr que ça vient normalement avec une demande peut-être un peu plus… travaillée ? Un genou au sol, des pétales de rose dispersés partout autour dans la pièce. Là, c’est si soudain ! Shizuma se demande un instant ce que ça ferait d’être marié. Ils pourraient partie en voyage de noces. Mais où ? Hm. Il rêverait de retourner au Portugal…

Oui ! Je le veux ! Est-ce que ça veut dire que je vais devoir choisir une robe ? Rose pastel. Je veux du rose pastel.