Ambitions retenues, sourire aussi faux que le bonheur. Tu lâches un "
Mais bien sûr", plein d'hypocrisie. Tout pour plaire à la cliente. Prétendre que tu n'avais pas l'intention d'essayer de lui vendre quoique ce soit de plus.
Un air déterminé à ne prendre que son nécessaire, tu le sais, elle sera difficile, alors autant faire ce qu'elle veut pour en finir le plus vite possible. Il faut dire qu'elle empêche de vendre à d'autres clients.
Alors, tu ne sais pas, tu l'ignores, si cette fiole au liquide doré et brillant est juste une potion qui a mal tournée ou si, au contraire, elle a été intentionnellement créée pour faire souffrir. Pour faire mourir à petit feu. Peut-être, ça aussi tu l'ignores, quelqu'un l'a placé dans tes réserves quand tu ne faisais pas attention, dans le but de zombifier la population.
Ne dit-on pas que la zombification est de plus en plus présente ?
Au fond, ça n'a aucune importance. La réalité te rattrape, se dissipent les souvenirs. Parce que vous êtes là. Vos regards se croisent, comme l'acier de lames bien aiguisées. La pauvre chimère zombifiée se tient debout. Et tu te souviens d'elle, parce que comment l'oublier ? Elle marque les mémoires, la petite dame.
Elle marque les mémoires, mais qu'est-ce qu'elle a changé. Elle n'est plus la même. Cadavre ambulant, ossature meurtrie, décharnée – la malchance l'avait frappée (elle t'a rencontrée).
Docile animal,
rencontre le diable ;
sais-tu tout le mal
dont il est capable ?
— «
Que puis-je faire pour vous ? »
Que faire ? Tu le sais parfaitement, tu doutes bien ; elle veut que tu lui rende ce que tu lui as volé. Son argent, son temps, son corps d'antant. Mais ce n'est pas toi, tu n'es pas responsable. Tu refuses de l'être. Entre babioles, cristaux (chargés ou non) et potions rachetées au rabais, vous vous tenez là, prêts au duel.
Horrifié par cette idée, tu maintiens ce faux visage que tu portes si bien. Un masque que tu refuses d'enlever, même pour tes propres yeux.
Et l'attente est longue. Comme la journée. La vengeance est en elle, mais toi, tu l'impatience. Et tu te dis
sœurette, tu fais fuir les clients, parce qu'il y a encore tant de gens à voler, tant de gens à briser. Pas comme elle, différemment. Tu ne t'attendais à ce qu'elle devienne... ça.
— «
Si vous ne savez pas ce que vous voulez, vous pourriez vous mettre sur le côté ? J'ai un planning digne d'Okihito et je suis fatigué jusque dans mes os. J'ai à faire, et vous, visiblement, non. »
Tentative maladroite, que les choses bougent. Qu'il se passe quelque chose.
Parce que le silence de cette chimère est assourdissant.