unlucky me // ft. Abraham

Quand tu discutes avec Abraham, il t'arrive de te soudainement sentir plus intelligent. Mais ça ne dure qu'un instant. Et si d'ordinaire, tu aimes cette poussée de sérotonine, face à quelqu'un comme Abraham, c'est plus désagréable qu'autre chose.

D'autant plus que chaque réponse engendre le double de questions... Tu ne comprends pas cet engouement autour des visions, qui a l'air de mêler d'autres races en plus des zombies. Pourquoi on ne peut pas dire que c'est nul, qu'il faut trouver un remède contre, et voilà ? Il y a tant de choses beaucoup plus sympas à étudier, mais certains préfèrent les sujets déprimants et/ou flippants, et à voir ce que ça donne... Evidemment, Abraham n'a rien à envier à ta propre apparence de zombie, mais à choisir entre se ruiner en potions ou ressembler à ça, tu ne comprends pas qu'on puisse accorder plus d'une seconde à la réflexion.

C'était par curiosité, surtout.

- Ah ouais... Ca m'aide pas beaucoup. Moi aussi, je suis curieuse, mais me faire zombifier ? J'aurais juste trop peur. De vivre ça. Ca a l'air horrible.

Et ça l'est. On dirait que tu es insensible face au quotidien d'Abby, mais non, tu parles juste par expérience. Tu es ok si on te croit sans cœur, tant que la vérité n'éclate pas au grand jour. Plutôt être un salaud qu'un spectre à l'apparence immonde et à la naïveté hors de ce monde... Tout ce qui fait que tu es toi, finalement.

- Il faut plus de courage pour… vivre avec ça, sans l’avoir recherché. Que de le vouloir vraiment. A mon sens.

Tu n'as jamais pensé à te qualifier de "courageux" auparavant. Faible, lâche, imbécile, inutile, oui, bien sûr. Mais pas quelque chose qui te mettrait en valeur, ça serait de la folie. On peut te valoriser sur tout, mais pas sur le choix que tu regrettes le plus. Mais ce choix, Abraham l'a fait en toute connaissance de cause. Il a bien plus de courage que toi, mais il choisit de t'en attribuer un peu. C'est gentil de sa part.

Un silence s'installe, et heureusement que tu es là, car tu détestes les silences.

- ...ça marche pas, ton truc. Toujours plein de tact, bien sûr. Peut-être qu'il faut que des zombies dans la pièce ? Et du coup c'est de ma faute. Vu que je fais pas partie... des zombies.

Tu joues nerveusement avec les manches de ta veste. Ce mensonge a beau faire partie de ton quotidien, tu es toujours terrifié.e à l'idée qu'on le découvre, et ça, tu n'arrives pas à le cacher.

Avec l'enthousiasme qui retombe, ce sont tes peurs qui se dissipent peu à peu. Il n'y avait donc pas de quoi s'inquiéter, ta véritable identité n'allait pas faire la une des journaux, et tu n'allais pas te faire allumer pour mensonge et trahison... surtout que ça doit n'intéresser personne, au final. La présence d'Abraham est bien pratique quand il faut faire des retours sur terre.

Tu es rassurée sur un point : derrière les apparences, Abraham est presque aussi perdu que toi, si ce n'est tout autant. Lui aussi a des galères que d'autres fantômes n'ont pas, et même si sa zombification était planifiée et sûrement plus maîtrisée que la tienne, il peut donc lui arriver de buter contre des obstacles, de tenter des trucs qui se terminent... comme ça. Son air dubitatif, son visage qui se décompose petit à petit, pourraient être amusants... si tu n'étais pas un aussi bon ami, qui sait faire office de soutien et imiter la déception - oui, quelle terrible déception que cet échec... Tu t'endormiras paisiblement ce soir, au moins.*

Alors qu'est-ce qu'on dit, pour remonter le moral de ses amis chercheurs, après une expérience sans résultat ?

- Ca pourrait être pire... Imagine si t'avais fait une erreur fatale, une brèche irréparable entre le monde des morts et celui des vivants... Vu comme ça, c'est beaucoup moins désespérant.

Pas ça, en tout cas. Même quand on s'appelle Foulques, ce genre ne "soutien" (avec beaucoup de guillemets) ne passe pas vraiment. Qu'est-ce que tu en sais ? Tu n'as jamais demandé à te retrouver embarqué.e dans ce genre d'expérimentations. Tu te laisses juste porter par le courant. Tu aimes prétendre que rien ne t'implique directement, tout en faisant en sorte que personne n'ose oublier ta présence. Au moins, tu es indulgent avec ce qu'on a à t'offrir; si Abraham est quelqu'un de nettement plus stressé que toi, il faut lui faire savoir qu'avec toi, pas d'inquiétude. Jamais.

Tu penches la tête comme un chiot légèrement confus.

- C'est pas grave, tu sais... C'est peut-être pour le mieux ? Je sais pas, c'est peut-être dangereux, ces trucs. Ca a l'air. T'as l'air de savoir ce que tu fais, j'en doute pas, mais moi... je me fais moins confiance pour ces trucs-là.

Pas parce que je passe mes nuits terrifiée par des visions dont je ne comprends pas le sens ou pourquoi je dois les subir. Pas parce que je fuis ce que je suis. Rien à voir avec tout ça.

- Ou alors c'est une question d'entraînement ? Tu pourrais refaire cet exercice régulièrement, et dans quelques mois, tu reviendras m'épater avec la puissance de tes rituels !

Pitié, non. Je veux pas avoir peur de toi aussi.
Tu ne dis rien. Tu continues simplement de le regarder en souriant, toujours persuadé.e que ta couverture est sans faille. Qu'il refasse ce petit manège tous les jours si ça lui fait plaisir. Toi, tu y vois le signe qu'il vaut mieux éviter de tenter le diable à l'avenir, et de te tenir éloigné de tout ça. Le problème, c'est que tu veux toujours faire plaisir à tout le monde. Et que tu aimes beaucoup Abraham. Et lui, ce qu'iel adore, c'est toujours en savoir plus sur la zombification et tout ce qui s'ensuit. C'est un jeu perdu d'avance.

Vous avez l'air fins, tous les deux. Lui, à la fois agacé et confus par le manque de sens de tes phrases, et toi qui te contentes d'un grand sourire pour seule explication. Tu es juste comme ça, tu ne prends rien au sérieux, et c'est la faute des autres s'ils ne sont pas sur la même longueur d'onde. En l'occurrence, tu aimerais tout aussi bien qu'Abraham se détende, c'est quand même pas la mort si son truc n'a pas marché... Ca tombe bien, tu es une référence en matière de détente.

- Abe..., tu rassembles autant de compassion qu'il t'est possible d'avoir. Ca arrive. Des fois, ça passe pas, j'en sais un rayon là-dessus. On va dire que les conditions n'étaient pas réunies.

Tu es loin de te douter lesquelles. Pour toi, tout est un jeu de chance, et la chance, tu n'en as jamais eue. Et tout ce qui concerne la divination, ses mécanismes sont un mystère pour toi, et tu aimerais autant qu'ils le restent...

- Ah bon ? en un siècle d'errance, tu apprends qu'une vision, ça ne se partage pas. C'est peut-être pour ça que, malgré nombre toujours plus absurde de zombies dans ce monde, tu te sens incomprise. Ca explique qu'il reste plein de recherches à faire, j'imagine... Mais c'est moins drôle. Je suis pas un super partenaire de labo, hein ?

Ni très doué.e pour lire dans les pensées des gens. Et le ton que tu emploies pour lui parler comme si rien de tout ça n'avait une quelconque importance ou signification... c'est irritant, pour rester poli. Actuellement, tu ne sers à rien à part faire les mauvaises remarques. Retenir un rire étouffé lorsqu'il t'avoue que ça fait huit ans qu'il fait ce cirque sans arrêt, c'est pas la meilleure chose à faire. Mais ça te vient naturellement, comment te blâmer ?

- J'aimerais te dire de rester optimiste et de pas baisser les bras, mais j'y connais rien, donc... Enfin bon. Bref.

Parler d'autre chose avant que ça ne dégénère.

- Et sinon..., difficile de ne pas parler zombie, quand on se retrouve face à Abraham Zakarian en personne. Tu dors assez ? C'est pas que je me fais du souci pour toi- enfin si, je suis pas sans cœur... Tu fais ce que tu veux, évidemment, mais même si on est morts, faut faire gaffe à ce genre de choses... Moi, je travaille toujours mieux après une bonne nuit de sommeil.

Ce qui n'arrive jamais, en somme. Ca expliquerait bien des choses.

Tu aurais espéré un peu mieux de cette rencontre hasardeuse. C'est vrai qu'Abraham n'a l'air d'être dans un de ses meilleurs jours, mais à quand remonte la dernière fois que tu l'as vu être vraiment de bonne humeur ? Peut-être que c'est toi le probl- attends, n'importe quoi, enfin. Ne pas creuser cette pensée, c'est bien trop risqué.

- Ah ouais, le travail, encore..., quand les mots quittent ta bouche, ça sonne beaucoup plus dédaigneux que tu l'espérais. Quand on dit que le monde des morts, c'est pour s'amuser, ça s'applique pas à toi, hein ? C'est cool, en vrai, et tu risques pas de te tuer à la tâche, ici.

Pitié, prends congé, va t'amuser, juste pour une fois, est ce que tu aimerais lui dire en vérité. Tu veux juste trouver un remède, quelque chose qui lui mettrait un sourire sur le visage... tu n'aimes pas voir quelqu'un d'aussi impassible face à ta présence, il y a de ça, oui. Tu t'inquiètes plus pour lui que tu ne devrais, ça te donne l'impression qu'il faut absolument l'aider... alors que tu ne le connais même pas si bien que ça. Le jour où il posera les limites, tu seras sous le choc, alors que les signes étaient là depuis le début.

Et quand iel se confie sur son manque de sommeil, tu dois rassembler toutes tes forces pour ne pas appeler les secours pour ce pauvre zombie. Pourtant, de ton vivant, tu en as vu des bien pires, en ce qui concerne des potentiels patients aux urgences... C'est que tu dois avoir quelque chose à compenser. Ou alors, tu cherches à justifier ce précieux temps que tu lui fais perdre. Tu n'es pas une terrible amie, enfin, tu te soucies de son bien-être... Iel devrait être ravi de t'avoir vu en ce jour. D'accord, son expérience a foiré, mais est-ce qu'on te voit baisser les bras après chaque échec ? Non, et ça serait bien triste, d'ailleurs.

- Dommage, j'aurais pu te conseiller un bon fournisseur... Mais t'es pas branché potions, j'ai l'impression. Je peux comprendre. Pas vraiment, tu es un addict, toi. Et incapable de ne pas comparer la situation des autres à la tienne. J'espère que ça ira, quand même... Si je peux faire quelque chose, tu me dis, ok ? Toujours là pour venir à la rescousse des autres, moi, tu le sais.

Vraiment ? Parce que t'as pas été d'une grande aide, là, à part pour faire des commentaires qui n'aident personne. Tu peux en tirer une seule conclusion, c'est que tu assures pour faire croire aux autres que tu n'as rien d'un zombie... tu le savais déjà, mais c'est bien d'être rassuré, de temps en temps. L'essentiel, c'est qu'Abraham ne se doute de rien. Le pire, c'est qu'il s'en ficherait, d'apprendre toute l'horrible vérité, mais tu tiens absolument à réduire le nombre de gens au courant.

- Tu rigoles ? J'suis un bon pote, moi, j'accepterais de t'accompagner en Antarctique si tu me proposais... Tu me laisserais le temps de préparer mes affaires, hein ?

Ouais, c'est drôle, ça. 10/10 en interaction sociale. Tu pourras rentrer chez toi tranquille. C'est qu'il ne te reste plus grand-chose d'autre à faire... Abraham a clairement l'air fatigué, et même toi, tu n'es pas habitué.e à toutes ces émotions. A la moindre indication que tu es libre, tu disparais.