[FB 2012] Le Roi de la palette à la diable • Warren & Célestin

Célestin ajuste d’un air concentré, un petit nœud papillon jaune vif, sur son veston couleur bleu canard, et une chemise crème, discrète, comme s’il souhaitait alors mettre accent sur ses accessoires. Il a essayé de coiffer ses cheveux, mais a bien rapidement abandonné, trop d’épi et de mèches folles à ne pas mentir. Il s’est taillé la barbe tout de même, une moustache en guidon de vélo, qu’il fignole délicatement du bout de ses doigts.

Puis il se regarde dans son ensemble.
Trop guindé. C’est ce qu’il se dit.

Trop stressé, c’est probablement le cas. Il relit le message qu’il t’a envoyé tantôt, quelques jours plus tôt : une simple sortie au restaurant, entre amis et rien de plus. Pourtant, il a choisi un restaurant de gastronomie française, se plaît à se vêtir de manière un poil trop habillé, à se ronger les ongles avant d’arrêter et de regarder dégoûté le vernis qu’il a étalé dessus, et cette couche de vernis amer et transparent.

Il est 18h30. Rendez-vous à 20h.

Il se sent très bête, Célestin. A stresser un peu trop, comme un vieil adolescent - grand Dieu, il a tout de même plus de trois-cents ans ! Alors il s’assoit dans son canapé, les doigts entremêlés et les pouces qui se tapotent l’un l’autre.Il regarde l’heure de nouveau : 18h32. Que le temps est lent, diable.

Il se lève alors de nouveau, d’un pas décidé à aller fouiller dans son armoire de potions. Il en sort, une puis deux, à regarder ce qu’il a écrit sur les étiquettes. Anti-stress, voilà celle qu’il recherche - il secoue le liquide rougeâtre à l’intérieur de la fiole, avant d’ouvrir et de l’avaler sans réfléchir plus que de raison. Il grimace face au goût un poil trop prononcé, secoue la tête, et repose sa fiole sur la table. Puis - il souffle. Rien semble ne s’être passé, pourtant le voilà soulagé. Au moins, il n’aura pas l’air d’un parfait idiot.*


19h55, devant le restaurant Le Cordon Bleu.

Célestin arrive, de grande enjambée, après avoir vécu l’enfer du bus de nuit. Il n’a pas décidé de se changer, quand bien même il paraisse parfaitement à l’ouest. Mais sa tenue lui semblait alors très bien, très en raccord avec l’idée - et puis elle était très jolie, à ne pas mentir.

Voyant que tu es déjà présent, il ne peut s’empêcher de te balancer un large, très large - trop large - sourire. Sans attendre, il te saisit la main pour la secouer de bas en haut, trop enthousiaste peut-être.

Voit-il le problème ?
Disons que sa vue est obstruée.

“Warren ! Comme ça me fait plaisir de te revoir !”

« Mais qu’est-ce que je fous »

D’un geste tu retires ta cravate que tu jettes sur le fauteuil à côté de toi, te laissant tomber avec vachement peu de grâce dans un espèce de tas d’oreillers de draps dépareillés. Tête tendue vers l’arrière, au point de se retrouver posée sur le bord de ton canapé, tu soupires longuement en fixant le plafond. Ton soupir dure pas très longtemps que te voilà qui rigole. Mais tu ris nerveusement, pas le genre de rire un peu charmeur et naturel qui te vient quasiment tout le temps. Bras croisé contre la poitrine, tu réfléchis, et tu réfléchis vraiment longuement. Ta tenue elle sort de l’habitude et pas qu’un peu : chemise noire, pantalon de costume et veston noir. Ça peut paraître ton sur ton -si encore le noir était vraiment un ton mais hé tu vas pas commencer. T’es pas connu pour être dans le coloré, en vrai, malgré la gueule de ta chambre. Seule exception, c’est les quelques trois quatre cravates éparpillées entre ton fauteuil et le canapé

Tu sais pas quoi choisir : en mettre ou pas ? Si oui ben, laquelle ? T’as fouillé tes tiroirs et déjà t’es très très étonné·e d’en avoir trouvé plus de deux. Te revoilà debout, à te passer les mains dans les cheveux. Une fois, pis deux, pis peut-être même trois. T’en fouterais en l’air tes efforts pour leur donner un aspect sympa une fois détachés et ça serait con car t’as hésité un moment. T’adores tes cheveux, encore plus quand ils sont pas attachés, mais ça a ses contraintes aussi. Notamment de les retrouver dans ta bouche mais hé, tu prends le risque. Même si c’est peut-être pas le moment vu que t'es … Nerveux.
Et t’aimes pas trop le reconnaître, en vrai

« Bon ben allez hein, celle-là »

Un choix que t’as pas envie de laisser traîner encore plus longtemps. Tu la mets autour de ton cou, la noue avec une dextérités qui sent bon la famille stricte et les années à l’armée. Un coup d’œil à ton portable, l’heure et conclusion : t’as encore du temps. Tant mieux. Le rendez-vous que vous avez fixé à 20h, il te fait cogiter grave. T’as encore besoin d’un peu de temps pour t’y faire, à cette sensation que t’as pas ressenti depuis … Depuis quand, en fait ? T’arrives pas à savoir. Et pourtant ça commençait simplement : des échanges de messages habituels. Puis une invitation, comme ça, à manger entre ami·e·s. Tu trouves ça cool, t’aimes bien la bonne cuisine. T’aimes bien passer du temps en compagnie de Célestin, aussi. Donc t’as accepté, vous avez trouvé un moment où vous étiez dispo. Mais il a sûrement négligé un détail, et toi aussi.
T’es curieux, un peu trop.
Et c’est comme ça que tu t’es retrouvé il y a quelques soirs à regarder le restaurant qu’il t’as proposé sur internet.

Tu t’attendais pas à voir un joli restaurant, un peu chic et surtout de gastronomie française. Oh t'aimes ça, pas de problème. Mais ça sonne quand même pas très simple repas entre ami·e·s à ce stade. Tu t’es retrouvé en pleine réflexion, les doigts presque en position pour du mudras, à fixer la page du resto. Non. Si ? Non, non. T’as soupiré et pas qu’une fois, t’as eu le cœur qui battait et pas qu’un peu avant de te dire que non vraiment y’a pas moyen. Peut-être juste que son pays d’origine lui manque ? Tu pourrais le comprendre même si le tien t’as pas envie d’y repenser, y mettre les pieds ou le revoir même en carte postale. Mais tu peux pas t'empêcher de te dire que quand même, ça ressemble pas à des masses à une sortie entre ami·e·s.


En arrivant, la clope au bec parce que faut bien ça pour te changer un peu les idées, tu vois Célestin et de loin. Tu t’arrêtes une seconde, menaçant de t’étouffer avec ta fumée, avant de le regarder de nouveau. T’es surpris de voir autant de couleurs oui mais surtout c’est que ça lui va plutôt bien comme tenue. Tu jettes ta clope pas finie mais éteinte dans la poubelle la plus proche avant d’arriver une main dans la poche, sourire aux lèvres mais un sourire un peu moins large de d’habitude. Et surtout vachement moins large que celui de Célestin, qui te chope la main en la secouant comme on secouerait un cocotier

« Warren ! Comme ça me fait plaisir de te revoir !

Salut Célestin ! Moi aussi ça me fait grave plaisir, j’espère que tu m’as pas trop attendu »

Mine de rien t’arrives pile à temps. Tu le regardes un peu plus en détails avant de te marrer et montrer ta cravate

« J’ai bien fait de choisir celle-là, on est un peu assorti »

Tu captes ce que tu dis mais trop tard pour faire marche arrière maintenant, donc tu roules avec en lui souriant, mais tu retiens un autre compliment qui débarquait à toute vitesse pour simplement dire

« J’compte sur toi pour me conseiller un peu niveau plats à pas louper »

Un sourire qui lui traverse les traits, large sourire, il serre ta main un peu trop fort peut-être, sans s’en rendre compte mais que veux-tu ? Célestin ne se rend plus compte de grand-chose dans l’état dans lequel il se trouve, beaucoup de charisme peut-être mais surtout beaucoup de conneries.

“J’ai bien fait de choisir celle-là, on est un peu assorti.”
Il te regarde de bas en haut, sans la moindre once de gêne.
Un sourire qui s’étire encore un peu plus, et une drôle d’étincelle dans le fond de ses yeux.
“Elle te va extrêmement bien, cette tenue - dis-moi, tu portes souvent des costumes ? On dirait en tout cas.”

Il parvient à retenir sa main à l’instant même où il commençait à ajuster ton propre veston - l’amour de la proximité physique - pour venir remettre le sien en place. Dernier sursaut de conscience.

Célestin ne parvient plus à être dans les compliments discrets et plein de subtilité, dans cette réserve qui le définit tant. Non, ici Célestin s’affirme, un peu trop même, un peu trop brusquement - une brisure par rapport à celui que tu as l’habitude de voir et de côtoyer alors. On pourrait penser que c’est l’excitation du rendez-vous, mais pourtant ce n’est pas vraiment le premier à ne pas mentir.

Non, Célestin est juste - différent.

“J’compte sur toi pour me conseiller un peu niveau plats à pas louper.”
“Bien sûr, je suis un bon vivant après tout.” Il désigne son (pas) si petit ventre, qui ne vient pourtant pas de la bonne chair - pas que du moins. Si Célestin n’a jamais été mince, il a pris du poids lors de son sevrage principalement. “J’y suis déjà venu lorsque j’étais encore cantateur à l’international, parfois après les représentations à Tokyo, mais c’était il y a un moment déjà.”

Il rentre dans le restaurant, te tenant la porte pour te faire passer en premier, laissant son regard traîner sur ton dos et tes fesses, quelques secondes avant qu’il ne cligne des paupières et redresse les yeux.

Il toussote, te suivant.

“Hm je te conseillerais bien en vin, mais…” Il ravale sa salive, comme s’il n’avait pas envie d’avouer un quelconque penchant pour la boisson, passé ou actuel. “Mais je vais plutôt prendre un soft ce soir. Je conduis pour rentrer.”

C’est faux, il est venu en bus.
Et il n’a même pas le permis.

Il a de la force et tu t’y attendais pas ; ça te surprend à défaut de te faire vraiment mal toi et tes grandes mains un peu calleuses. T’aimerais dire qu’il rayonne avec son sourire et c’est le cas d’une certaine manière, mais en même temps pour la première fois depuis vraiment longtemps t’es un peu déstabilisé. Il te scrute et c’est pas comme si c’était la première fois que ça t’arrivais mais avec lui c’est une première. Tu mets ça sur le compte de l’excitation, comme le reste, mais y’a un truc qui te semble bizarre, pas comme d’habitude. T’ignores pour l’instant et au pire tu verras bien comment ça se passe plus tard. Et si c’est comme ça, t’en profites pour détailler sa tenue, main dans les poches, toujours le sourire en coin

« Elle te va extrêmement bien, cette tenue - dis-moi, tu portes souvent des costumes ? On dirait en tout cas.

Pas trop souvent non, j’avoue. ‘Fin avant ça m’arrivait mais maintenant hormis pour des soirées … Mais j’uis content que ça te plaise. »

Tu penches un peu la tête, tu retrouves ton sourire un peu charmeur et affectueux. Sa main se lève, s’arrête avant de réajuster son propre costume et ça te fait lever un sourcil ; est-ce que tu devrais l’aider ? Nan, mauvaise idée. T’es déjà un peu nerveux et, ironiquement, pas tant dans ton élément que ça donc autant ne pas en rajouter. T’as beau aimé jouer les charmeurs et surfer habillement sur la fine ligne entre la drague et la simple affection au fond ta vie sentimentale a toujours été plutôt vide, même depuis ta mort. Trop pressé·e de découvrir tout ce que t’avais loupé pendant ta vie, t’en as un peu négligé cet aspect au profit des arts

« Bien sûr, je suis un bon vivant après tout. »

T’as les yeux qui papillonnent de surprise alors que tu le vois se tapoter le ventre. C’est rare mais là, tu sais sincèrement pas quoi répondre : ça te prend totalement par surprise. Du coup tu lui souris en le fixant dans les yeux

« J’y suis déjà venu lorsque j’étais encore cantateur à l’international, parfois après les représentations à Tokyo, mais c’était il y a un moment déjà.

Oh wow ! A l’international carrément ? Tu dois en avoir des anecdotes à raconter ! Hé, j'me sentirais presque intimidé d’un coup »

Un rire s’échappe d’entre tes lèvres. T’es loin de te moquer mais t’aimes bien exagérer un peu, pour détendre l’atmosphère. Pour te détendre toi-même aussi et ça marche, t’as les épaules qui se relâchent un peu et tu retrouves ta posture plus habituelle, ton air un peu taquin et ton regard enjôleur. Il te dit la porte et tu le remercies d’une voix douce avant d’entrer. Le décor te surprend pas -après tout t’as regardé à quoi ça ressemblait, mais ça reste très impressionnant. Une déco de goût, même si c’est pas forcément le tien. Mais au moins vous êtes bien installé et maintenant que t’es face à lui en tête à tête pour de vrai tu sens que t’es à nouveau fébrile

« Hm je te conseillerais bien en vin, mais… Mais je vais plutôt prendre un soft ce soir. Je conduis pour rentrer.

Pas de soucis, bah écoute j’vais te suivre sur du soft aussi ! Même si moi je roule pas ce soir »

Un nouveau rire alors que tes yeux parcourent son visage un instant avant de chopper la carte et la lire sans vraiment la lire. Ta jambe a la tremblote un peu, alors pour te calmer tu croises les jambes en espérant que ça sera moins visible

« Heureusement que t’es là pour me conseiller, c’est pas le choix qui manque y’a de quoi s’y perdre haha … De la daube revisitée ! Ça me rappelle des souvenirs ça »

Tu tires un sourire un peu nostalgique. Ça te donnerait presque envie de repartir en voyage, tiens

“Oh wow ! À l'international carrément ? Tu dois en avoir des anecdotes à raconter ! Hé, j'me sentirais presque intimidé d’un coup.”
“Oh, il n’y a vraiment pas de quoi. J’ai stoppé ma carrière à l'internationale voilà une dizaine d’années.”
Et puis quand bien même, lorsque sa carrière était au sommet, Célestin n'appréciait que très peu la reconnaissance d’autrui. La célébrité ne lui a jamais sied, disons qu’elle lui est tombée dessus sans qu’il ne le veuille vraiment - ce fut une source de stress, de déconvenue, et de crainte pour l’avenir.
“... J’ai bien fait de tout arrêter.”
Conclue-t-il ses pensées.

Et vous voilà face-à-face.
Célestin sourit - putain, il adore - et s’installe droit, fait craquer ses épaules et déboutonne son veston pour ne pas être serré maintenant qu’il est assis. Il passe sa main dans les cheveux, avant de prendre le menu, et son commentaire sur le vin.
Mensonge.

“Pas de soucis, bah écoute j’vais te suivre sur du soft aussi !
Même si moi je roule pas ce soir”

Il sourit, à se sentir bien bête de ne pas pouvoir te proposer de te raccompagner à l’issue de la soirée - étant lui-même venu en bus en vérité, et n’ayant pas le permis même de loin. De mal en pis, il décide de ne pas rebondir et de se sentir fortement absorbé par le papier sous ses yeux.

“Hm, mon pêché-mignon reste quand même la piña colada sans alcool* mais…” Il se penche vers toi, sans aucune gêne ni remords, en profitant largement pour envahir ton espace vital. D’un doigt, il pointe un vin rouge sans alcool. “Eux, font d’excellents vins soft. Avec de la daube, je ne saurais que te conseiller un rouge.”

Il se rassoit, un peu trop lentement.

“Leur blanquette au seitan est excellente également.”
“Et pour ma part, un velouté de châtaigne en entrée.”

Déjà une dizaine d’années. T’étais où toi, y’a plus dix ans ? Pas encore tout à fait à Tokyo ça c’est sûr. P’tete que t’as entendu parler de lui, au milieu de ton périple mais t’es pas sûr. T’as tellement voyagé aussi et même si tu gardes des souvenirs très clairs de cette période ce qui a pu se passer dans le Monde des morts … Bon bah moins clair déjà. Fasciné par la peinture, par cette envie de combler tout ce que t’as loupé pendant plus de cinquante ans t’as pas trop fait attention au reste. Aucuns regrets même loin de là mais ça fait une petite portion de ta mort où t’as été moins attentif aux news, à ce qui se passait en dehors de ton petit monde. Il te dit que y’a pas de quoi et tu réponds en lui adressant un grand sourire suivi d’un petit coup de coude comme pour dire que si, c’est grave quelque chose. Que sa carrière à l’internationale soit terminée ou pas t’es dans les premiers à penser et dire qu’il est talentueux. Le reste t’importe peu

« ... J’ai bien fait de tout arrêter. »

Raison de plus

« C’est chaud à gérer ce genre de carrière donc j’comprends. »

En tête à tête comme ça, tu prends un petit moment pour le regarder. Bon, pas trop non plus parce que ça fait tellement longtemps que tu t’es pas retrouvé dans cette situation que tu sais plus trop où faut poser les yeux, quoi dire, quoi faire. La carte t’offre une sacrée bonne excuse pour poser tes yeux ailleurs sans que ça soit grillé. Tant mieux. Mais tu remarques son sourire, son très grand et large sourire. T’as encore un peu du mal à t’y faire, toi qui es plus habitué·e à un Célestin … Réservé ? Tu sais pas comment dire. Moins exubérant. Plus calme, aussi. Et c’est loin de te déplaire hein, l’un comme l’autre, il faut juste que tu t’ajustes

« Hm, mon pêché-mignon reste quand même la piña colada sans alcool mais…

Mais ? »

La carte légèrement baissée, tu le vois qui se penche et ton premier réflexe est de te retenir de reculer. C’est pas ton genre d’être aussi facilement surpris -limite effarouché·e, surtout pour un truc aussi con. Mais tu t’y attendais pas et entre le stress de te retrouver dans un cadre pareil avec lui, de le trouver un peu différent et ta surprenante inexpérience en la matière forcément t’es un peu nerveux. Carrément, même. Tu te rattrapes un peu avec ton sourire en coin et toi aussi tu te penches pour regarder en même temps. Tu suis son doigt du regard et tu lis la description. Hé, pourquoi pas après tout ? Tu l’écoutes d’une oreille attentive mais tu peux pas t’empêcher de remarquer les notes de parfum. T’aimes bien son odeur habituelle, plus terreuse et similaire à l’odeur d’un jardin, mais ça change. Ça te déplaît pas

« Eux, font d’excellents vins soft. Avec de la daube, je ne saurais que te conseiller un rouge.

Oh, euh, bah écoute j’te fais confiance ! »

Tu recules un peu. Bon peut-être que t’écoutais pas si attentivement que ça en vrai. Il énonce ses plats alors que toi tu fixes encore le menu en silence, les yeux qui naviguent à travers les lignes. Autant partir sur ses suggestions alors tu le refermes d’une main avant de t’installer un peu plus confortablement, les jambes croisées, les coudes sur la table

« J’vais te suivre en partie. J’avoue que l’entrée que tu prends me tente bien aussi ouai … Ça, un vin rouge soft et la daube revisitée. Ça me donne une excuse de revenir goûter la blanquette au seitan une prochaine fois »

Léger sourire un peu charmeur. Tu t’es un peu calmé et tu te sens un peu plus à l’aise. Cool, cool

« Tu sais, comme j’viens plus trop aux Catacombes, ça me fait bizarre de plus te croiser autant. Comment ça se passe d’ailleurs en ce moment ? »

Dire qu’il n’en profite pas, ne serait-ce qu’un petit peu, serait parfaitement faux, à ne pas mentir. Car Célestin en profite largement, d’envahir ton espace vital et de confort, sans se soucier un instant pourtant de ce que tu pourrais bien en penser - de l’effet délétère de la potion anti-stress chez-lui, car sans barrière sociale désormais, sans réflexion plus approfondie sur la conséquence de ses actes.

Non, Célestin n’est pas agréable.
Il en est même dérangeant.

“J’vais te suivre en partie. J’avoue que l’entrée que tu prends me tente bien aussi ouai … Ça, un vin rouge soft et la daube revisitée.”
“Excellent choix.” Même si ce n’est pas le même.
“Ça me donne une excuse de revenir goûter la blanquette au seitan une prochaine fois”
“... C’est une invitation ?”

La question se pose.
Et n’est pas pour lui déplaire.

“Tu sais, comme j’viens plus trop aux Catacombes, ça me fait bizarre de plus te croiser autant.”
“Oh.” L’aveu lui ferait presque écarquiller les yeux.
“Comment ça se passe d’ailleurs en ce moment ?”
“Ah euh.” Il bredouille un instant, avant de se reprendre bien rapidement - c’est un instant de lui habituel, celui qui réfléchit et qui n’est pas parfaitement idiot. “Bien. Très bien. Je donne encore des cours, et je répète beaucoup pour un spectacle qui aura lieu dans… trois mois, environ.”

Il a une répétition demain, par ailleurs. Il espère être en forme, cette pensée lui traverse l’esprit une seconde seulement, avant qu’il ne décide qu’il ne servait à rien de s’en inquiéter plus que de raison, afin de seulement profiter de la soirée.

Il hausse donc les épaules - rien de folichon en somme.
“Et toi donc ? Des projets ?”

Peinture, voyage ?
Ou tout autre, qu’en sait-il ?

De son menton dans le creux de sa paume, il te bouffe du regard tout en commandant votre bouteille de soft à la personne qui vient prendre votre commande. A se mordre l’intérieur de la joue comme un dément.