Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Il faisait sombre et plutôt froid. Ne trouvant pas le sommeil, Shirley flânait près de la rivière, une cigarette coincée entre les lèvres. Ces cigarettes nocturnes la conduisaient parfois à de courtes balades aux alentours de l’Agence Azazel, même lorsque les vents fouettaient cruellement le visage des quelques fantômes qui osaient mettre le nez dehors à une heure si tardive et que le sol était recouvert d’une mince couche de neige. Elle le faisait surtout pour ses colocataires : elle ne voulait pas les importuner avec l’odeur du tabac qui s’avérait bien souvent désagréable pour les non-fumeurs.
La jeune femme longeait la rivière en jetant parfois de rapides coups d’œil à la rivière Sumida. L’eau était paisible. Son calme n’était pas perturbé par les tokyoïtes comme en journée, si bien qu’on pouvait apercevoir sans mal le reflet de la lune et du ciel étoilé. Il n’y avait personne. Cette tranquillité lui permettait de se détendre un peu : ne pas sentir les regards braqués sur elle, ne pas craindre de faire une bêtise, d’attirer l’attention inutilement et de croiser le regard de qui que ce soit lui faisait du bien. Néanmoins, cette habitude un peu embarrassante de marcher sur la pointe des pieds pour se faire encore plus discrète ne la quittait pas…
Shirley décida de s’asseoir sur un banc qui faisait face à la rivière. Elle écrasa le mégot de cigarette sous sa chaussure puis contempla un peu le paysage en soupirant. Il faisait si froid que son souffle se condensa. Heureusement que je suis bien vêtue…
Soudain, sur le banc d’à côté, elle entraperçut du coin de l’œil une silhouette imprécise remuer. Elle n’était pas seule? Shirley se retourna vers l’inconnu qu’elle n’avait pas remarqué plus tôt un peu timidement. C’était une jeune femme qui devait avoir connu la mort vers le même âge qu’elle. Elle contemplait les étoiles. C’est pas un peu dangereux de rester ici toute seule à… pensait-elle en consultant l’heure sur sa montre. À minuit passé?! Il est tard, je devrais rentrer! La brune jeta un dernier regard à l’étrangère, cette fois-ci un peu inquiète. Je peux pas la laisser là toute seule quand même…
Malgré sa timidité maladive, Shirley lâcha doucement :
—Hum… Il est un peu tard… Que faites-vous ici à cette heure?
J’ai marmonné. Elle va me demander de répéter. Qu’est-ce que je suis ridicule, mon dieu… Malgré ses insécurités, la jeune femme souriait en espérant une réponse.
L’étrangère sursauta malgré le ton doux et bienveillant qu’avait employé Shirley. Elle finit par se redresser, la chercha du regard puis la trouva. La lueur des quelques lampadaires qui bordaient le chemin longeant la rivière les éclairait d’une lumière jaune légèrement vacillante. Shirley put distinguer un peu mieux les traits de cette couche-tard. C’était une Japonaise aux cheveux plutôt courts. Elle était d’une beauté simple et naturelle, le genre de femme qui n’avait pas besoin de recouvrir son visage de maquillage pour être désirable. Par ce qu’elle dégageait, la lémure devina rapidement que cette belle Japonaise était d'un tempérament plutôt calme.
—Je regarde les étoiles, déclara-t-elle en souriant gentiment. Et vous, que faites vous ici à cette heure dans un tel endroit ?
—J’ai du mal à m’endormir cette nuit, j’ai décidé de me balader un peu…
Ses horaires de sommeil étaient légèrement perturbés depuis quelques temps. Depuis bientôt un mois et demi, elle faisait tout un tas de nouvelles rencontres, parfois agréables et d’autres fois pas, et ça monopolisait bien souvent toutes ses pensées. Elle qui, depuis son arrivée dans l’au-delà, menait un mode de vie plutôt solitaire commençait doucement à s’ouvrir au monde depuis peu. Les nouvelles relations étaient si fragiles en général et elle le savait, un rien pouvait détruire ces quelques amitiés et connaissances naissantes auxquelles elle tenait déjà tant. Ça avait quelque chose d’effrayant, même si retourner dans la solitude ne l’inquiétait guère.
Shirley leva les yeux au ciel pour voir un peu ces étoiles que son interlocutrice contemplait à une heure aussi tardive. Ah! C’est joli! La brune ne s’était jamais attardée aux cieux étoilés lors de ses sorties nocturnes, trop préoccupée à tirer sur sa cigarette et à scruter les lieux qui baignaient dans un calme qui ne survenait que lorsqu’il faisait nuit.
—C’est vrai que c’est beau, marmonna-t-elle simplement sans baisser le regard.
La jeune femme garda les yeux rivés sur le ciel encore quelques instants, puis reporta son regard sur l’étrangère. Elle lui adressa un nouveau sourire réservé.
—Je n’y avais jamais vraiment prêté attention auparavant. Ça doit être votre passion si vous restez éveillée jusqu’à cette heure rien que pour regarder les étoiles.
Shirley se tortilla un peu sur son banc, un peu gênée. Elle avait dérangé cette femme qui semblait si absorbée par l'observation des astres. Mais au moins, elle était certaine que tout allait bien maintenant. La brune aurait eu du mal à quitter les lieux en sachant qu’une jeune femme traînait encore dans les environs à une heure si tardive… Dans l’au-delà, tout le monde n’était pas bien intentionné et elle aurait appréhendé la suite pour l’étrangère.
Je ne la dérangerai plus si elle ne semble pas ouverte à la discussion, décida la jeune femme en jetant un dernier coup d’œil furtif à son interlocutrice. Mais je ne partirai pas tout de suite pour autant! Ça m’inquièterait bien trop de la laisser ici seule. Je vais rester silencieuse pour ne pas l’incommoder davantage. Le silence embarrassait facilement Shirley, mais elle s’efforcerait de ne rien dire cette fois-ci. Enfin, si elle y arrivait…
Shirley jetait des regards furtifs à la Japonaise pour tenter de la sonder et prévoir ses réactions pour mieux s’ajuster. Elle essayait de deviner si elle était ouverte à la conversation ou non pour savoir si elle devait continuer de discuter avec elle ou pas. La jeune femme semblait ennuyée… Aussitôt, la brune se questionna et se sentit coupable. Je l’embête? Elle veut que je parte. Bien sûr que c'est ce qu'elle veut! Mais moi, je ne veux pas la laisser seule! C’est dangereux de rester ici à cette heure-ci! Qu’est-ce que je vais lui dire si elle me demande de partir? Sa main fourrée dans la poche de son manteau atteint son paquet de cigarettes. Elle le tritura, comme si ces simples gestes suffisaient à la rassurer.
—Cela n'a rien d'une passion. Si je regarde le ciel et les étoiles, c'est que...
Le ton froid employé par l’inconnue ébranla un peu plus Shirley qui comprit aussitôt qu’elle était indésirable. Elle gigota un peu sur son banc, embarrassée. C’était le signal pour partir, mais la jeune femme ne pouvait s’y résoudre.
Sincèrement désolée de l’avoir froissée, Shirley s’apprêta à se confondre en excuses, mais l’étrangère parla avant qu’elle puisse prononcer quoi que ce soit.
—Excusez-moi. Je n'ai pas voulu vous bousculer mais comprenez-moi, on me dit souvent la même chose. À force, cela en devient agaçant.
—Non non, c’est bon. Je comprends. Si vous n’avez pas envie de parler, ce n’est pas grave… Et je…
La brune s’était arrêtée soudainement. Il ne fallait pas qu’elle avoue s’inquiéter pour elle. Elle passerait sans doute pour une paranoïaque qui a le cœur un peu trop sur la main, ou pire, peut-être qu’elle l’embêterait de nouveau! Et l’étrangère finirait par partir, incapable de la tolérer plus longtemps. Je suis insupportable, mon dieu. Tout le monde le pense. Son anxiété grandissait et son paquet de cigarettes dans sa poche en pâtissait : le pauvre carton se retrouvait cruellement malmené par la main stressée de Shirley.
La jeune lémure releva timidement son regard vers le visage de son interlocutrice. Cette dernière semblait avoir perdu son masque de froideur. Un sourire franc étirait ses lèvres. Malgré cette attitude amicale, Shirley ne pouvait s’empêcher de croire que sa présence la dérangeait.
—Non, rien. Je ne veux absolument pas vous importuner, dites-le-moi si vous préférez que je parte.
Elle espérait secrètement qu’elle la laisse rester un peu avec elle. Ainsi, lorsqu’elle rentrerait à l’Agence, elle aurait la conscience tranquille…
Shirley remarqua le petit sourire amusé, peut-être moqueur, sur les lèvres de la plus jeune. Elle inspira profondément pour se calmer : elle sentait la panique se frayer doucement un chemin en elle. Et si la Japonaise décidait de la ridiculiser? La timidité exacerbée de Shirley faisait d’elle une victime facile et elle le savait bien. Mais ce n’est pas comme si elle avait l’air méchante! Ça suffit, je dois arrêter de sauter aux conclusions! pensait la jeune femme pour se rassurer. Ces pensées eurent l’effet escompté et ses épaules se détendirent légèrement. La lémure retrouva son sourire. Elle ne me tournera pas au ridicule, mais il est possible qu’elle me demande de partir…
—Vous ne me dérangez pas. Mais vous n'avez pas à vous inquiéter pour moi. Ce n'est pas la première fois que je sors aussi tard. Et il ne m'est encore rien arrivé.
Son petit jeu se voyait aussi facilement? Shirley baissa les yeux, un peu embarrassée en échappant un petit rire nerveux. Généralement elle préférait que ses inquiétudes passent inaperçues, surtout si elles concernaient des inconnus qu’elle ne connaissait pas du tout.
Maintenant qu’elle avait la certitude de ne pas être une gêne pour la belle Asiatique, Shirley se calma un peu et arrêta de triturer furieusement le carton de cigarettes dans la poche de son manteau.
—Vous savez quoi, venez donc vous asseoir près de moi et passer en ma compagnie. Vous verrez que la nuit n'est pas si dangereuse que vous semblez le penser, fit-elle en tapotant le banc pour l’y inviter. Et puis cela vous détendra peut-être de regarder le ciel avec moi.
Shirley hocha doucement la tête, se leva et prit place près de son interlocutrice. L’air avenant de cette dernière lui prouvait en quelque sorte qu’elle ne la détestait pas vraiment, même si elle l’avait froissée en suggérant que l’astronomie était sa passion. Il suffisait qu’elle fasse attention à ce qu’elle lui disait pour conserver la bonne entente, c’était tout! La brune avait beau la connaître depuis à peine quelques minutes, mais elle avait déjà une vague idée de ce qu’elle pouvait dire ou pas pour éviter de l’énerver.
Les deux femmes contemplèrent sereinement le ciel étoilé en silence. Shirley ne cherchait plus à combler inlassablement les silences, se disant qu’il était sans doute plus agréable de compter les astres sans une pipelette qui s’efforce à parler de tout et n’importe quoi. L’endroit était très paisible. Seul le lampadaire qui émettait un grésillement entêtant et le vent glacial qui soufflait doucement troublait le calme. La nuit n’était peut-être pas aussi hostile que Shirley se l’imaginait… La rivière devait être un lieu plutôt sécuritaire, comparativement à Kabûkicho, le quartier de la luxure mais surtout des yakuzas et autres brigands aux intentions malhonnêtes. Elles n'avaient rien à craindre. L’anxiété de la brune finit par se dissiper entièrement : comme la Japonaise le lui avait promis, il n’y avait aucun danger. Elles restèrent là un moment, sans parler, à profiter de cet agréable instant lorsque le vacarme d’une bouteille qui s’éclate au sol vint interrompre ce moment de paix. Shirley se retourna alors vivement, cherchant cet atroce son du regard quand ses yeux se posèrent sur un homme titubant et se dirigeant vers elles. Ses cheveux étaient d’un rouge vif peu naturel, probablement les effets secondaires de quelques potions…
—B-Bonjour medmoizelles, hic! balbutia l’homme, engourdi par les mixtures magiques qu’il avait ingurgitées dans la dernière heure…
La présence de cet homme inquiétant ne rassurait en rien la brune. Elle jeta un coup œil nerveux à l’inconnue pour sonder sa réaction. La Japonaise semblait aussi peu à l’aise qu'elle, mais également dégoûtée. Shirley, pour sa part, avait beau être inquiète pour sa propre santé mais ne pouvait s’empêcher d’être concernée par celle de ce pauvre homme. Il devait noyer ses soucis dans les potions. Il devait avoir eu une vie terrible. Et sa mort devait l’être tout autant. Il n’avait pas encore trouvé la paix dans l’au-delà. Comme toi, Shirley. Tu te détestes encore plus qu’avant. Elle était terrifiée, mais elle comprenait et voulait secrètement lui venir en aide. Pauvre homme.
Malgré toute la pitié et la compassion qu’elle ressentait à son égard, elle n’arrivait pas à articuler un seul mot. Son regard ne quittait plus l’accroc aux potions, aux aguets du moindre mouvement qu’il exécutait, comme si elle craignait le voir sortir un couteau effilé comme une lame de rasoir ou un pistolet. Certes les nombreuses potions ingurgitées plus tôt et leurs puissants effets ne faisaient pas de lui un ennemi de taille, mais Shirley ne pouvait s’empêcher d’avoir peur. Elle n’avait jamais été confrontée à une situation pareille auparavant…
Ce fut la Japonaise passionnée d’astronomie qui se décida à prendre la parole. Sa pauvre amie les écoutait parler docilement en se disant qu’Etsu avait beaucoup de sang-froid. La demoiselle ne flanchait pas et sa voix ne tremblait pas non plus malgré son agacement flagrant. Même si la peur provoquée par la présence dérangeante de l’homme occupait tout son esprit, Shirley ne put s’empêcher d’admirer son courage. Elle semblait avoir la situation en main.
—Mais je vais pas vous laisser, déblatéra l'homme. La nuit, c'est dangereux pour des aussi jolies nanas.
Décidément, cet homme était tenace. Peu importe ses intentions, il fallait l’éloigner. Qui veillera sur lui pendant qu’il décuvera? pensait nerveusement Shirley. Mais je ne peux pas risquer sa sécurité pour de telles bêtises. Ni la mienne… Son égoïsme la surprit. Alors qu’elle s’apprêtait à se gronder intérieurement pour avoir pensé de telles choses d’un pauvre homme qui n'avait besoin que d’un peu d’aide, elle sentit une chaleur apaisante sur sa main. La jeune femme se retourna vivement vers sa comparse. Cette dernière serrait tendrement ses doigts comme pour lui transmettre un peu de son courage. Ce simple geste la toucha. On ne la rassurait jamais, généralement c’était le contraire. Shirley lui adressa un sourire réservé, serra aussi un peu sa main, puis redirigea son regard vers l’étranger. Un peu moins effrayée, elle rétorqua doucement, non sans balbutier :
—Notre projet est tr-très important… Nous ne pouvons pas nous p-permettre d’être déconcentrées ce soir. E-Et si vous rentriez chez vous? Il fait froid dehors. Vous devriez vous r-reposer. Je vous assure que nous pouvons nous d-débrouiller seules, c'est bien gentil de vous faire du souci pour nous!
L’homme dégagea une mèche de cheveux qui tombait devant ses yeux, puis reporta son regard sur la femme réservée. Cette dernière crut qu’il allait entrer dans une colère noire, si bien qu’elle se mit à gigoter un peu nerveusement sur le banc et serra les doigts de son amie plus fortement pour trouver à nouveau un peu de courage. J'ai dit quelque chose qui aurait pu le froisser? Si ça se trouve, il est plus susceptible. Son comportement s'apparente à celui d'un ivrogne après tout.
Un énorme sourire jovial découvrit une fois de plus les dents jaunies de l'étranger, à la grande surprise de la Canadienne. Le fantôme ivre restait calme, comme s'il ne comprenait pas que les deux jeunes dames qu'il importunait tentaient discrètement de le repousser.
—Si vous voulez, j'ai quelques potions. On peut partager. Ça rendrait votre boulot un peu moins pénible.
—Nous ne buvons pas de potions... Désolées. Pouvez-vous partir? N-Nous devons travailler.PILE :—Très bien... fit-il un peu chagriné. Un peu de compagnie m'aurait bien fait plaisir, mais vous semblez bien occupées...
L'homme s'éloigna, penaud. Shirley l'observa repartir avec le désagréable sentiment d'avoir mal agi...FACE :L'homme perdit aussitôt son sourire. Il fronça les sourcils et adressa un regard haineux à la pauvre Shirley qui s'était mise à trembler légèrement.
—Je resterai si j'en ai envie! vociféra-t-il en gesticulant furieusement.
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