En retour, elle reçoit cette même gêne. Le fard la contamine mais pas au point où les symptômes du fiévreux viennent s'inscrire directement sur sa peau aussi. Elle n'est pas juste touchée mais, en tout cas, ça, elle l'est. Il faut dire que c'est une qualité humaine, d'être empathique mais difficilement reconnaissable. Léandre ne s'en rend pas compte mais voir son cadet (puisqu'à première vue, il en est) exprimer un sentiment aussi intime l'a rend heureuse, aussi. L'épanouissement pudique évident l'attaque.
Plus mature et contrôlée, cela dit, debout, seuls ses doigts se mettent à faire découvrir au monde sa paume retombée le long de son corps. Puis elle les replie aussitôt. Trop réservée, le creux de sa main n'est pas à offrir au monde. La seconde, cela dit, jalouse, la rattrape en effectuant elle aussi ce déploiement furtif. Puis, de concert, les dix doigts se déplient à nouveau pour dévoiler le trésor interne. Et d'un énième tour, ils se font timides et renferment le tout. C'est un manège à plusieurs tours. Elle joue, maintenant, avec ses deux mains, comme une enfant exécute ce tour à la cocotte en papier.
La comparaison, cela dit, ne lui donne rien d'adulte. Filomena n'est pas antipathique mais peu expressive et malgré ses nombreuses expériences, elle reste une enfant dans le domaine de l'humain dont on l'écarte toujours car bien trop froide.
Alors que dans le froid, le corps luit de carmin qu'il en soit des joues ou des articulations, pour une personne habituée au froid, on ne la verra que très peu exprimer concrètement un abandon vers ces sentiments qui sont trop nombreux pour être cités. Pourtant, les gens pensent autrement.
Filomena, c'est l'hiver. Mais quand un autre hiver la frappera, elle deviendra printemps et comme tout le monde, elle peut bourgeonner.Mais il n'y a pas plus hivernal que cette femme, après tout. Qu'y a-t-il de mal à ne pas se montrer douce et proche ? Qu'y a-t-il de mal à ne pas se montrer, tout court ? Après tout, elle n'a pas besoin de fleurir pour les autres. Derrière son manteau de neige, elle dissimule bien sa compassion.
L'hiver se montre fort. Mais sous tout ce blanc, il n'y a que de la fragilité : Des feuilles déçues et des branches brisées comme des pétales égarées et des rayons poltrons. Ceci dit, cela ne veut pas dire que tout meurt. Elle a encore un peu d'espoir qu'elle tapit tant bien que mal.
Fermant les yeux derechef pour cloîtrer toute une bise si vivace de vouloir s'échapper, elle se réserve et la transfère en un soufflement repu. Ayant apprécié les paroles de son invité mais surtout l'aura qu'il tend à polir de plus en plus le long de cette entrevue, elle finit par claquer ses deux membres supérieures le long de son tronc en prenant par la même occasion une grande inspiration nasale qu'elle a lâché il y a une seconde à peine. Sa tête relevée atterrit déjà sur cet être qui lui paraît si pur. Elle a dû mal à ne pas le croire mais sa vie lui a appris à rester, qu'importe la personne, la plus méfiante possible. Même le plus frêle moineau peut, accidentellement, casser une branche s'il se pose dessus. Cela dit, avec le maigre espoir qui lui reste en bagage, on lui a bien dit qu'il fallait qu'elle profite de cette existence si spéciale plutôt que de rester si renfermée.
Balançant ses bras vers l'avant, elle se lance. Enfin elle lui sourit.
— Plus que motivé, je dirai surtout que tu es d'une tendresse qui va au-delà de mes attentes, Liam. Je me demande vraiment si quelqu'un comme toi peut exister.Elle ne termine pas sa phrase sèchement même si, dans sa maladresse, elle pourrait laisser entendre qu'il ment. Mais, pour ces occasions si rares et si belles, il serait difficile de prendre la nécromancienne pour une infâme harceleuse. Elle ne met pas au jour toute sa gentillesse, c'est vrai, puisqu'une fusion cramoisi des joues ne pourrait aussi simplement faire fondre la glace. En revanche, quelques gouttes d'espoir tombent. Elle cherche à lui communiquer, par un mince rictus, son respect. Est ce suffisant, toutefois, pour le jeune homme ? Assez douteuse de sa réussite, elle renchérit :
— Tu es quelqu'un de bien.Dernière parole à l'intention des prouesses gracieuses du jeune homme, elle finit par claquer les talons vers l'extérieur en gardant, tout de même, dans son crâne, le profit qu'il pourrait faire en étant aussi passionné. Elle claque, comme la pluie sur le sol, ses mains gamines entre elles une seule fois. En un tour de magie, c'est comme si elle essayait de faire disparaître cette face agréable de sa personnalité. Bien sûr, même si elle est une héroïne dans le domaine de la froideur, elle ne peut pas transcender une autre émotion juste après. Si son sourire s'est éteint, ses yeux pétillent toujours. Plus de dévotion et d'adoration que de ferveur. Mais elle essaye de rester concentrée un maximum sur le propos. Elle cherche à s'éloigner de Liam en se tournant dos à la fenêtre, mains derrière le dos pour éviter qu'elles ne veuillent se promener ailleurs.
— Très bien. Si tu es conscient que les tâches que je veux te donner peuvent être instructive, tu devrais sans difficulté accepter celle-ci, je suppose.D'un sourire malicieux puisque quelque peu cynique, elle brandit son majeur pour pointer l'extérieur au garçon se tenant plus loin, face à elle.
— Comme tu l'as remarqué, la publicité de la boutique est assez mauvaise. J'aurais besoin d'une voix à l'extérieur pour m'en faire. Ou plus précisément, j'ai besoin que tu en fasses la promotion un peu partout en ville. Ça te tente ?Entre son introversion qu'elle pense maladive et sa détermination, elle pense savoir ce que Liam choisira ce pourquoi sur ces apparences de test, elle reste plus optimiste que toute à l'heure dans ses formulations. Ou bien alors, plus que de l'optimisme, elle veut devenir fière. Pas d'elle-même parce qu'elle a réussi une prouesse mais de lui. Ce sentiment est dangereux. Elle veut se méfier de lui mais en même temps, le voir si éblouissant la rend... radieuse.