Die Rosen sind rot, die Violettes sind blau.
Je ne montais que très rarement à l’institut. Non pas parce-que je n’en avais pas envie ou parce-que je ne voulais pas me montrer mais tout simplement par manque de temps. Déjà que je perdais un temps fou le matin à me mettre sur pied, puis j’enchaînais avec de la paperasse qui semblait ne jamais se terminer. A cela (ce qui était déjà pas mal) s’ajoutaient, des coups de fil à droite et à gauche, des achats pour les potions, des recherches, des analyses à faire et tout un tas d’autres choses que je finissais souvent par reporter. Mais aujourd’hui, c’était différent, j’étais sorti de ma chambre de bonne humeur et je ne voulais pas gâcher ma journée à rester derrière mon bureau et à hurler sur mes employés. Cela faisait un moment que je ne m’étais pas montré là-haut et bien que l’institut ne soit qu’un prétexte, j’en restais le propriétaire et je me devais de faire bonne figure. Il était donc temps pour moi de laisser le masque de Leichnam ici et d’enfiler celui de Niklaus Stein, patron d’un institut de beauté dans Tokyo. Il était ouvert depuis deux années seulement mais les affaires marchaient assez bien. Nous avions même eu quelques résultats positifs sur nos tests, rien de bien spectaculaire mais ça nous donnait de l’espoir.
J’avais troqué mon pyjama pour un costume noir avec une simple chemise blanche pour éclairer le tout. Pas de cravate ou de nœud papillon mais un col déboutonné et comme d’habitude, je laissais mes cheveux faire leur vie. Je chaussai mes converses, attrapai mes clefs et me dirigeai vers l’ascenseur (beaucoup moins capricieux que celui de l’Agence d’ailleurs). Je passai la clef magnétique sur le bouton “ FSI “ (pour FlakonShönheit Institut) qui passa immédiatement au vert. J’appuyai dessus, laissant les portes se refermer. Il ne me fallut que quelques secondes pour arriver dans une copie conforme du bureau que j’avais en bas, avec des diplômes en plus, témoins de mes connaissances sur le soin de la peau, des pieds et j’en passe. Des faux diplômes, évidemment.
Je devais me faire discret, pour ne pas me faire remarquer par un employé et éveiller les soupçons. Après tout, n’importe qui se poserait des questions s’il voyait son patron déverrouiller son bureau de l’intérieur. J’entendis quelque chose rouler devant la porte du bureau (un agent d’entretien poussant son chariot sûrement) et m’immobilisai presque immédiatement, retenant même mon souffle. Une fois le silence de nouveau maître, je laissai mes poumons se remplir à nouveau d’air et partis ouvrir la porte. Le couloir étant vide, j’en profitai alors pour rapidement fermer mon bureau à clef et m’éloignai. Heureusement pour moi, ce n’était pas très loin de l’entrée et je pouvais tout à fait dire que je venais d’arriver. Je jetai tout un même un léger coup d’oeil derrière moi au cas où... quand soudain quelqu’un me percuta. Le choc n’était pas assez violent pour me faire tomber au sol mais assez pour me faire reculer de quelques pas. Je sentis un liquide brûlant couler le long de ma chemise et réprimai un hurlement, me contentant de grimacer de douleur. Je tirai sur le tissu de ma chemise pour le décoller de ma peau et l’en éloigner le plus possible. Mes yeux se posèrent alors sur un jeune homme, au sol, un gobelet et le reste de son contenu au sol, avec des feuilles imbibées de café autour de lui.
Son visage ne m’était pas inconnu mais je ne pouvais pas mettre de nom dessus. L'expression qu'il affichait reflétait clairement la peur. Étais-je aussi impressionnant ? Pourtant, ce n'est pas comme si j'avais la carrure d'un athlète. Ou alors avais-je une réputation de tyran ? Heureusement pour lui, j’étais d’humeur à faire une bonne action, et ce malgré l’incident. La grimace d’il y a quelques secondes se transformait en un sourire qui se voulait bienveillant. De ma main libre, je l’aidais à se relever avant de lui tapoter l’épaule droite et lui dire :
- Ce n’est pas grave. Dépêchons-nous de tout remettre en ordre, mon regard passa du jeune homme à l’immense tâche brune sur ma chemise, et je dois aussi essayer de nettoyer ça.
Il ne semblait pas être un méchant garçon, juste un peu perdu. Je n’étais certes pas la personne la plus agréable qui pouvait exister mais je n’étais pas un monstre non plus. Et puis, ce n’est pas comme si j’avais grand chose à faire ici, je pouvais prendre quelques minutes pour l’aider. Ca ne pouvait que me faire bien voir après tout et une bonne réputation, ça rapportait des clients.
Alors que je ramassai le gobelet et les quelques feuilles, je lui demandai :
- Tu es nouveau ici ? Il me semble avoir déjà vu ton visage mais je t’avoue que je n’ai pas retenu ton prénom. Pourtant, je connais le nom de tous mes employés.