Fight and conquer, then bargain.
Elle entendait, elle comprenait. Viktor en pleurait de joie. Pour la première fois en neuf-cent longues années il pleurait. Elle comprenait, ELLE COMPRENAIT. Il s'était senti seul pendant trop longtemps, et avait été abattu par la mort de son ami Da Vinci. La tête sur ses genoux, une fois l'étrange potion bue, il trouva la force de lever ses bras pour détacher son gant droit, puis posa maladroitement sa main derrière la tête de la nouvelle lumière de sa vie. Il revoyait toutes les heures nocturnes qu'il avait passé à se battre pour se défouler, toutes ces heures à martyriser des pauvres âmes pour pouvoir se nourrir de leur faiblesse. Il ne regrettait rien, il aimait le cercle, tout le monde le haïrait, mais il déteste déjà tout le monde. Mais elle, il ne connaissait même pas son nom, mais elle représentait déjà pour lui un espoir infini.
"Haa... Je t'ai cherché longtemps... Si longtemps... Mais tu est là, tu comprend, tu acceptes. Tu ne sais pas à quel point ca me soulage. On se sent seul, quand personne ne veut accepter la simple vérité en se cachant derrière son masque. Mais vous, non nous, sommes tous des bêtes avides de vengeance et de pouvoir... Oh tu feras un beau monstre, un magnifique monstre, et un jour tu comprendras que ne veux pas protéger qui que ce soit. Où alors tu est différente, moins lucide que moi, ou plus, qui sait? Quoi qu'il en soit, j'ai essayé de pardonner les chimères, j'ai voulu leur montrer le chemin de la paix... Mais j'abandonne, elle m'ont façonné pour me détester, et je le leur rend au détour des mauvaises ruelles aux mauvaises heures... Je le rend à tout le monde en fait, ne suis pas mon chemin, sois différente, mais comprend bien que tu finiras comme moi, comme nous tous. Tout ce que tu doit faire, c'est parler à tes confrères, leur montrer la paix intérieure, c'est à elles de nous pardonner en premier. Elles ne m'ont pas écouté, mais toi tu est déjà l'une d'entre elles... Personne d'autre ne doit souffrir à cause de ce satané cycle, je crois en toi, sois celle qui le brise. Un jour, peut-être, les chimères disparaîtront...
Il était apaisé. Il ne s'était jamais senti aussi vieux, mais surtout aussi compris. Il en avait entretenu des discussions inutiles, insipides, qui l'avaient rongé de l'intérieur. Pour une fois il s'ouvrait vraiment, à une inconnue qui plus est, il ne put se retenir de pouffer à cette idée.
Je suis Viktor, Viktor Von EisenHändler, vieux forgeron et croisé. J'en ai vu passer des années, héhé... Enfin bref, tu devrais rentrer, Je n'ai plus rien à t'apprendre, et le coup traître d'il y a quelques minutes est toujours aussi douloureux... Je me débrouillerai pour rentrer, des gens doivent t'attendre, toi. Mais n'oublies pas, tu est différente de la masse, parce que tu sais que tu en fais partie. Je ne suis qu'un pistolet, un pistolet de détresse, rouillé, sale, vieux, mais toi tu seras la fusée, brillante de mille feux, et j'aurais toujours la fierté de t'avoir tirée."
Ceci dit, il laissa retomber sa main sur son ventre. Et remarqua une tâche sur sa main. Une tâche couleur peau. Il approcha sa main de son visage, l'éloigna, la tourna, arracha les bandages. Il ne retrouvait pas la plaie ouverte au niveau de sa paume. Envahi par un mélange entre anxiété en anticipation, il se redressa d'un coup, en comprenant qu'il n'était resté au sol que parce qu'il c'était convaincu qu'il ne pouvait pas se lever. Les mains tremblantes, il avait totalement oublié la présence de la chimère et tentait maladroitement de défaire les nombreuses lanières qui retenaient son armure. C'est après de très longues minutes, quand la plate tomba enfin sur le sol, qu'il constata avec une joie non dissimulé que l'énorme entaille de son ventre s'était refermée. C'était temporaire, il le savait au fond de lui, mais il était inondé d'euphorie. Il ne prêtait même pas attention aux deux côtes qui sortaient de son torse ou encore à son genou brisé par la chute, non, la douleur était toujours sa vieille amie,
Mais il l'affrontait avec sa force d'antan.
Il ramassa sa fidèle arme, qui ne l'avait jamais abandonné après sa mort, et fasciné par ses nouvelles capacités, il l'écrasa très, trop violemment sur le banc en ferraille. Il jouissait de son exploit, les pleurs du métal qui se pliaient sous sa volonté immortelle étaient une ode à sa toute-puissance. Après avoir plié le banc en deux, il prit le temps de réfléchir. Avait-il été toujours aussi fort? Le peu d'armure qui couvrait ses jambes ne pesait rien, Il ne sentait même pas son gant, et pour être sur il remis fièrement la lourde plate autour de son torse. Elle ne pesait rien. Lui qui avait croulé sous son poids dans son corps pourrissant à travers les âges, il était habitué à souffrir, mais aujourd'hui rien. Il se sentait invincible, la force de sa jeunesse et la sagesse de son âge étaient pour lui assez pour qu'il se sente immortel. Et d'un coup, un déclic se fit dans la tête. Il tourna en un instant sa tête vers la chimère.
"Le dieu de la forge m'appelle. Il te faudra une armure. Une brillante, magnifique armure en or, non en argent... C'est plus léger, et sertie de saphirs. D'authentiques saphirs, symboles de vérité. Et des épaulières glissantes, une couronne en onyx, avec un améthyste au centre, qu'il te protège de l'ivresse du pouvoir. Je... Je n'aime pas dépendre des autres, mais il me faudra d'autre potions comme celle-ci, je les prendrai avec moi pour mes travaux... Merci. Merci.
Codage par Libella sur Graphiorum