haut les cœurs ,.
les hautes lumières
Et puis — ça revient ; pas tout, pas en entier mais ça revient violemment, comme un ouragan d'été. Il se revoit plus jeune, sourire déjà hypocrite mais regard toujours insouciant, gravir les murs, grimper si loin, si loin, qu'il pouvait toucher du doigt les étoiles ; ces étoiles qui le fascinent tant mais qui brusquement, un jour, ont cessé d'être bonne. C'était il y a des années -- des années mais dans sa tête, c'était hier.
et puis,
tout au fond de ces ténèbres,
il entend sa voix
Elle dit des choses drôles, elle dit des choses rassurantes. De sa façon si particulière de réconforter sans empiéter sur sa bulle privée, elle glisse une remarque amusée sur les dragons, rebondit sur la fermeture du sanctuaire -- il aurait voulu qu'il soit ouvert pour simplement pouvoir éviter ce moment ; mais il ne peut pas car s'il ne le fait pas maintenant, il ne le fera jamais.
(elle l'attend)
(avec son écharpe et son sourire)
revenir
tu vois refaire
ce qui ne le rend pas
triste
Il hoche la tête, met ses mains dans ses poches après avoir retiré son bonnet et passé sa main dans ses cheveux désordonnés -- sa manière à lui de montrer qu'il n'est pas à l'aise, sa façon inconsciente de dévoiler le manque d'équilibre de son assurance.
▬
Dans tous les cas, on revient non ? On peut pas rater les dragons -- c'est évident, c'est un peu une question rhétorique même --
Il y a un an, quand il a croisé le chemin d'Etsu sous ce ciel étoilé -- il n'aurait jamais pensé à tout ça. A tous ces moments, à ce partage, de plus en plus grand, de moins en moins hésitant, entre ces deux personnes ; c'est parfois laborieux et il reste toujours en lui cette peur inexorable, ce sentiment indéfectible que s'ouvrir aux autres est angoissant mais pourtant -- pourtant, c'est différent.
(elle l'attend, un peu plus loin)
(à quelques pas)
(mais bien là)
De nouveau, il la rejoint en quelques pas, laissant glisser son regard sur ce qui les entoure : des stands, des points d'information, des groupes d'essai et des dizaines de visiteurs, venus découvrir ce monde fascinant dont Susanoo avait violemment fermé les portes plusieurs années auparavant —
ne plus revenir, fuir à jamais — il esquisse un sourire. Il a peur, il a son cœur qui bat à mille à l'heure mais parce que c'est lui, parce qu'on le lui a si bien appris ; il ne dit rien, ne montre rien.
Alors, il remet son masque d'argent, cache son visage fissuré derrière un regard pétillant.
Ah; Susanoo --
tu te fais du mal
tu te rends si malheureux
tout seul▬
Ok, j'parie qu'à la fin de cette journée, je t'ai rendu accro à l'escalade ? Il ajoute un clin d’œil, s'amuse d'employer des mots qui touchent parfois certaines filles et ça le fait rire, ça lui fait oublier un instant là où il se trouve. Mais derrière cette malice, Susanoo ne peut s'empêcher de penser à sa véritable venue ici -- ce petit pansement collé sur ce passé, ce morceau de tissu masquant cette douloureuse vérité.
Il passe devant elle, lui fait signe de le suivre (mais c'est un peu évident) pour se diriger vers un des groupes proposant d'essayer un mur d'escalade (un mur facile -- il le note au premier regard).
▬
Bon, quelques astuces, murmure-t-il à Etsu, restant discret pour ne pas dépasser la tonalité de la voix du moniteur --
ne pas plier les bras, regarder partout autour de toi et éviter de garder ses hanches constamment face à la paroi.
Sa voix a changé -- c'est la même voix passionnée lorsqu'il parle des étoiles ou du volley, le même regard enfantin et émerveillé sur sa passion qui a duré bien plus que le temps d'un été ; en même temps, il pointe du doigt le mur, lui indique d'un air très sérieux les meilleures prises, le chemin le plus court pour arriver en haut -- brusquement, Susanoo retrouve son équilibre, repère son point d'ancrage.
Et puis,
avec malice,
et délice,
sa voix traverse et transperce.
(le moniteur propose une escalade)
(il demande des volontaires)
(et évidemment)
▬
La demoiselle à ma droite voudrait tester ! s’exclame Susanoo en indiquant Etsu à ses côtés, plus rapide que les autres du groupe, encore hésitants (il se retourne alors vers elle, amusé et taquin) --
Tu voulais grimper, non ?c'est si simple
c'est si facile
il doit arracher le pansement —