Le début d'une mort [PV : Pom Warren]

Il était facile de croiser Pom Warren au travers de la ville de Tokyo. Rares étaient les endroits où il n’avait pas encore été. Pourtant, aujourd’hui, il n’avait pas envie d’être vu. Il voulait réfléchir, penser, sans se sentir sous le regard de personne en permanence connue. L’homme au visage obstiné et joyeux s’était éloigné de la foule pour se trouver un coin tranquille et seul.

Il était inquiet de sa relation avec chacun de ses amis et inquiet des mensonges d’Eden à son encontre. Il aurait aimé que ce dernier le rassure mais au lieu de ça, il s’affichait avec un stupide vampire. Contrarié par ce fait, Pom refusait d’aller lui parler ou de lui adresser la parole.

Eloigné des uns et des autres, le nécromancien s’était assis dans l’herbe. Dans son tee-shirt trop grand et son jean troué, il ressemblait un jeune universitaire – alors même qu’il n’y avait jamais été (jusqu’à récemment où il avait décidé de s’inscrire. Encore fallait-il choisir la matière appropriée et toutes les possibilités lui donnaient le permis. Il n’aurait pas assez de 1600 ans pour tout étudier.)

Regardant le fleuve aux nuancées bleutées, il remonta sa main en visière pour observer le soleil tapant au-dessus de lui. Il avait chaud. Terriblement chaud. Ce fut donc naturellement qu’il se trouva un coin éloigné de toute personne, à l’ombre, et qu’il s’assit contre un arbre. La chaleur ne faisant qu’augmenter, il retira son haut – malgré sa phobie des regards – car personne n’était présent.

Pom glissa le bout de ses doigts sur ses lèvres alors qu’une pensée douce traversait son esprit. Il n’avait pas consommé de drogues dures depuis plus de sept jours et il en était assez fier. Il n’était pas certain qu’il puisse tenir longtemps, à ce rythme, mais il essayait et il était fier du peu qu’il parvenait à faire. Les marques rouges n’étaient plus visibles et il avait même regagné quelques kilos.

Soudainement, la présence d’un renard lui fit tourner la tête. Jouant du bout des doigts avec l’émotion joueuse de l’animal, Pom fit apparaître une flamme qui se transforma en la même créature. La petite créature enflammée se rapprocha, tournoyant sur elle-même un instant, avant de disparaître sous l’impulsion de la main du nécromancien.

« Eh, petit … »

Bon, en bon végétarien, Pom n’avait aucun morceau de viande à lui offrir. Toutefois, il aimait les animaux et les renards … A cause du petit prince. Il devait être un peu stupide de venir parler à un animal mais au moins ce dernier ne viendrait pas le contrarier, ne lui dirait pas qu’il est occupé par SMS et n’irait pas embrasser un vampire dans LE BAR où tout avait si mal tourné avec Alex.

« Allez viens, mon mignon. » Murmura le nécromancien en direction de l’animal.

Les couleurs d’émotions par le guide du Petit Prince était semblables à des échos humains qui amusèrent le nécromancien sans se douter de la supercherie. Le doute et l’amusement de l’animal n’avaient rien de suspect et il le laissa s’approcher sans s’en méfier. Le nécromancien à la chevelure chatoyante demeura curieux de cet animal qui se comportait comme un canidé domestiqué mais Lynn, sa colocataire, en avait également un et il ne se comportait pas non plus comme un animal sauvage. Le vecteur propre de l’équation de cette analyse lui permettait de ne pas douter de cette petite créature. Ce fut donc correct pour lui de la voir renifler sa main et la sentant peu hostile, le nécromancien glissa ses doigts sur son poil. L’immunité des animaux face à la pudeur était déjà un fait connu de tous.

La vie après la mort, le nécromancien ne s’en plaignait pas. Il ne se plaignait pratiquement jamais. Se contentant de sourire à tout. Il bloqué toutes les émotions négatives comme un numskull refusant d’admettre qu’il n’était pas tous les jours possible de sourire en permanence. Là encore, bien que ce n’était qu’un animal, il s’était fardé d’un sourire léger. Son laser à émotion le brûlait de plus en plus et si sur le papier c’était vendeur d’avoir un don, lui le ressentait davantage comme une punition divine au démon qu’il était.

Ce renard venu l’importuner était donc une bénédiction et sur l’île d’un naufrage émotionnel, la Pomme retrouva un côté juvénile et joyeux, alors même que ses doigts glissèrent sur l’animal pour se lover contre lui. Ce fut sans doute à une erreur, car tel une douleur irradiant un fémur qu’on lui aurait brisé, l’antithèse d’un l’énuque abstinent se mit à pleurer à chaudes larmes retenus. Larmes que personne ne verrait et ne devait voir. Pas même ses amis. Pas même Alex. Pas même Margaret. Pas même ses ennemis. Ni même ceux qui avaient pu le blesser. Les oiseaux se cachent pour mourir, les panthères se cachent pour pleurer et le trémolo de ses larmes ne pouvaient plus s’arrêter. Le doute demeurait quant à la raison de ses larmes, est-ce que c’était le fait qu’Eden soit un vampire ? D’avoir découvert la torture infligée à cette femme borgne qui n’était pas Shirley ? L’impression que Shirley le haïssait et ne voulait plus le voir ? La peur d’être seul à nouveau ? Ou l’accumulation de ça et bien d’autres choses ? Aucune idée, mais cette peluche vivante ne pouvant comprendre, elle pouvait bien le réconforter.

De cette peluche adorable, une voix se fait entendre. ZOOTOPIA. Perturbé, le nécromancien se redressa brutalement et il nettoyage d’un revers de main les larmes pour froncer les sourcils. Super ! Il allait se méfier de chaque bête qu’il croiserait à partir de maintenant. Evidemment qu’il savait que des spectres pouvaient prendre la forme d’animaux (parfois même d’objets), mais c’était un don difficile à contrôler et donc rarement tenu longtemps par les nécromanciens. Hors là le renard devant lui était clairement une métamorphose de haut niveau. De toute façon, la question ne se posa pas alors que les yeux de l’homme se voilèrent sous un trait d’humour.

D’un revers de la main il attrapa l’émotion colorée de sa surprise, puis il la modifia, et l’alterna pour la transformer en frayeur et ainsi contaminer la sale bestiole qui s’était bien foutu de sa gueule. Toutefois rien de tel ne se produisait. Alors qu’il tenta de lancer le don à l’autre, ce fut des feuilles vertes qui apurèrent et retombèrent autour d’eux et au lieu d’une émotion de terreur, ce fut une émotion de joie que le nécromancien envoya au renard.

Levant les yeux au ciel face à la constatation de son échec, le combattant se redressa, attrapa son tee-shirt, s’habilla puis d’une voix souriante et enjouée, il déclara :
« Petit, va faire tes numéros ailleurs. »

Rares étaient les pouvoirs uniques. De mémoire une femme pouvant coudre les nuages étaient uniques, le pouvoir de désintégrer la matière se transformant en tatouage aussi, mais la capacité de se changer en un animal n’était pas unique. C’était même un pouvoir commun, mais qui n’en restait pas moins surprenant et magnifique.

Croiser un nécromancien capable de prendre une forme ou une autre, ce n’était rien de surprenant, croiser un nécromancien changeant en permanence de forme, c’était un peu plus surprenant. Ok. Pom était totalement surpris par ce qu’il venait de voir et alors qu’il voyait un flanc moelleux et flageolant. Une petite chose mignonne – certainement – mais pas aux yeux du pauvre nécromancien aux cheveux rouges. Il avait horreur de la gelée. Son ami et patron Eden avait l’habitude d’en manger et à chaque fois que sa cuillère s’enfonçait dans une gelée ou un flanc, il avait envie de partir vomir et ses yeux ne pouvaient pourtant pas quitter la substance étrange. Encore une fois, il fut tout autant dégouté qu’incapable d’abandonner des yeux le gâteau.

« … »

Et le pire c’est que cette petite chose essayait de lui donner des ordres. Malgré le dégout qu’il ressentait pour cette forme immonde lui rappelant tout le sucre que son meilleur ami pouvait manger en permanence, il se rapprocha, et s’agenouillant, jouant du doigt avec la flasque substance capable de parler.

« Donc tu es un nécromancien métamorphe ? »

Si on était dans un roman, il ne serait pas si surprenant que l’homme puisse prendre autant d’apparence différente. Ce qui n’était pas le cas, et du coup, la curiosité l’avait emporté sur l’énervement. Qu’est-ce que c’était que ce type ? Pom en était tout ouïe. Dans les dernières nouvelles qu’il avait lui, personne n’avait signalé ce genre de spécimen à Tokyo. Il était nouveau, son pouvoir venait de se développait ou il était très discret.

S’asseyant devant la flasque forme qui était aussi attirant qu’une brouette remplie de terre, le nécromancien se demanda s’il devait être en guerre et chercher querelle à l’autre pour l’avoir humilié ou s’il devait accepter que l’homme / ou la femme ne cherchait surement pas à lui faire du mal en arrivant jusqu’à lui.

Même assit à côté de cette gelée adorable, il était toujours trop grand et se faisait l’effet d’être sur des échasses. Franchement, venir le chercher dans sa tanière, un endroit tranquille au bord du fleuve, s’était agrandir un gouffre déjà bien trop important.

Son doigt glissa sur l’arrête de son nez et ses pieds tels des éperons se plièrent et plantèrent leurs talons dans la terre devant lui. Il avait soudainement envie de passer un peu de terre à rire, à faire la fête et à mettre loin de son cœur les problèmes actuels comme le calibre se trouvant dans son sac. Franchement aux jeux olympiques de la merdre, il était sans doute le champion. A croire qu’il était en bas d’une pente et que les problèmes fonctionnaient sur roulette. Sans doute que son site brassant des rumeurs n’était pas non plus anodin à tout ça, ni le fait qu’il soit dans une organisation mafieuse, mais tout de même.

Est-ce ce type sous cette forme pouvait s’évaporer avec les grosses chaleurs ? Et pourquoi prendre la forme d’un flanc pour lui parler ? Autant de questions auxquelles il n’avait pas forcément les réponses.

Après tout, c’était un moyen comme un autre que de passer du temps avec celui qui avait manqué d’être sa victime et d’aspirer son black-out dans une température où le thermomètre de la joie augmenterait considérablement au lieu de laisser la faucille de la mort l’influencer.

Cédant à un caprice, Pom se pencha en direction de l’homme et il sentit que sa curiosité avait emporté toute les autres émotions. Le temps était venteux, le nombre des passants rares et leurs deux physiques détonaient mais après tout : dans le monde des morts, les rencontres étaient particulières.

« Veux-tu jouer à un jeu ? »