[FB 2011] Échangés | Warren & Célestin

« Hm eh bien, en tant que ténor, vous avez une voix dite masculine aiguë. Peu de chance que vous parveniez à descendre beaucoup plus bas - votre note la plus basse que vous puissiez chanter est une note confortable pour ces personnes ici-présentes. »

Tu laisses échapper un long mais léger « Oooh » comme si tu saisissais enfin toute la portée de son explication. Tu serais presque déçu de savoir que bon, pour être plus dans les graves c’est mort. Mais après tout ta voix tu l’aimes beaucoup ; et puis c’est fun de monter dans les aigües. Même si clairement la maîtrise c’est pas encore ça mais hé, t’as un professeur vers qui te diriger maintenant. Ça te fait un peu rire intérieurement de penser ça

« Ah non : je suis originellement baryton.

Wow baryton … J’vous trouvais déjà impressionnant en basse mais je parie que ça doit être magnifique à écouter ! »

T’as le compliment facile -mais sincère. T’es pas du genre à brosser dans le sens du poil ; ou alors uniquement pour plaisanter quand la situation s’y prête. Mais t’es bien incapable de mentir et c’est pour ça que tes compliments comme tes critiques sont toujours très francs. Honnêtes. Directes. Et au fond, ça te rend vraiment curieux ; c’est pas souvent que tu croises le chemin de personnes qui utilisent leurs propres cordes vocales comme instrument et comme art. Ça te donne encore plus furieusement envie d’immortaliser ce moment : la salle de classe, les étudiant·e·s plein·e·s de curiosité et un professeur qui dégage un mélange habilement dosé de douceur et de fermeté. Alors c’est sûrement pour ça que tu aimes regarder autour de toi depuis que t’es rentré, pour garder chaque petit détail en mémoire pour plus tard

« Bien sûr, on devrait pouvoir vous trouver une petite place. »

Tu suis son regard vers les tables poussées contre les murs à l’arrière et tu lèves les deux pouces en signe d’approbation

« Top, c’est trop gentil ! Merci Célestin »

Tu le prononces avec ton accent français cabossé, riant légèrement le sourire aux lèvres. Ses élèves ont bien de la chance d’avoir un professeur aussi sympa ; surtout que c’est pas toujours évident pour les pauvres étudiant·e·s parfois. Tu vas pour te diriger vers les tables en lui jetant un regard amusé en réponse à son sourire ; faut croire que ta proposition semble au minimum l’intriguer et au mieux l’amuser. Même s’il refuse, rien que l’idée qu’il puisse envisager d’accepter te ferait plaisir ; t’es pas difficile

« Une proposition intéressante, je dois admettre. Vous pouvez compter sur moi. Oh, je ne vous demande pas quel cours vous assurez, je préfère garder la surprise.

Génial ! Promis je vous dirais rien, même pas un indice, mais vous avez le droit d’essayer de deviner d’ici là … Je serais curieux d’entendre vos hypothèses plus tard »

Ton sourire s’agrandit encore un peu plus

« Si vous n’êtes pas là souvent, autant que je vous laisse mon numéro, non ? Afin que je ne loupe pas vos interventions futures.

Ah mais ouai carrément ! Attendez … Voilà »

Tu fouilles tes poches et tu en sors un téléphone portable étrangement sobre -mais moderne. Avec tes blagues, tes larges sourires et ton côté un peu haut en couleur dans ta personnalité ça peut surprendre mais hé, tu préfères qu’il soit performant que joli à voir. T’ouvres tes contacts d’une main avant de lui tendre pour qu’il y rentre son numéro. Lorsqu’il te le rend tu le remercies dans un souffle avant de te diriger vers les tables au fond, dans l’ombre tel l’observateur trop curieux que tu es. Une fois installé tu lui fais un petit geste de la main comme pour lui signaler que c’est bon, tu te fais tout petit et discret ; et puis t’aimes ce genre de place. Légèrement dans l’ombre, en retrait, tout ce que t’aimes pour observer à la fois avec tes yeux de profs à mi-temps mais aussi d’artiste. Seule trace qui trahit ta présence ? Peut-être le léger reflet de tes lunettes de soleil toujours perchée sur le sommet de ton crâne qui se voit même dans la pénombre

« Hm. Vous avez furieusement un air de professeur de physique. »

Tu dois vraiment utiliser toute ta force dispo’ pour ne pas exploser de rire. Il pouvait pas trouver plus à l’opposé de la vérité ; et ça te fait marrer. Oh pas comme une moquerie, mais juste parce que c’est bien la première fois qu’on te dit ça. Faut dire qu’entre ta tenue très contracté en débardeur et jean, tes lunettes dans des cheveux attaché en vrac et ta barbe d’une semaine ça donne pas des masses d’indices. Du coup tu te retiens parce que hé, tu lui as dit : pas d’indice, rien du tout. Alors tu hausses les épaules comme pour dire que p’tete bien qu’oui, p’tete bien qu’non, avant de lui adresser un grand sourire. T’en as presque mal à te retenir de rire. Puis tu vois Célestin sortir son téléphone ce qui t’intrigue un peu

« Hm, je ne suis pas vraiment habitué aux téléphones portables…

Héhé, pas de problème »

T’es pas le plus doué mais tu t’es mis à la page. Pas trop le choix si tu veux réussir à garder une certaine visibilité à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux. Pis ça te fait marrer, même si clairement t’es pas dupe : ton âge se voit dans ta manière d’écrire sur le net. Téléphone dans les mains tu lis le nom de Célestin et tu te dis que ouai, si son prénom t’avais pas mis la puce à l’oreille, son nom de famille sonne bien franchouillard ; au moins tu risques pas de l’oublier, pratique non ? Une fois installé, tu le vois reprendre avec beaucoup de sérieux et ça te fait sourire en coin

[···]

Clac.
Tu déplies le chevalet d’une main, vérifiant de l’autre qu’il est bien stable avant de te frotter les paumes de satisfaction. Tu l’avais pas emmener la dernière fois mais là t’as eu envie pour changer un peu. Au fond il te servira peut-être même pas mais au moins tu l’as sous la main et puis certain·e·s élèves étaient intrigué·e·s. Bon t’admets que c’est aussi un moyen de flex. Un peu. Y’a pas de mal après tout non ? Faut bien que tu te mettes à niveau. Maintenant que t’es installé et prêt -enfin autant que tu peux l’être vu ta nature très décontractée, tu ouvres la porte et tu salues les étudiant·e·s qui entrent tranquillement et qui savent où s’installer.

Et puis tu le reconnais ; c’est pas dur avec ses cheveux roux, tu vas pas te mentir. Tu lui fais un signe de la main accompagné d'un large sourire ; t'es content de le voir. Tu l’avais prévenu comme promis que t’allais redonner un cours ; un message un peu à l’arrache avec l’heure, le numéro de salle et ton prénom en signature. Parce qu’évidemment que tu avais oublié de lui filer ton numéro avant de partir de son cours et ça t’es revenu au moment de le contacter -ce qui t’as décroché un sacré fou-rire d’ailleurs

« Hm, finalement, vous n’avez pas tant l’air d’être professeur de physique.

Hahaha, hé non. Vous avez une petite idée maintenant ? »

Tu lui fais un sourire un peu espiègle avant de lâcher un petit rire

« Si ça vous va vous pouvez vous installer sur cette table, ou celle là bas ‘fin y’a plus de tables que d’étudiant·e·s de toute façon donc c’est pas l’choix qui manque »

Tu désignes quelques tables du pouce avec un air un peu nonchalant ; l’important c’est qu’il se sente à l’aise. Alors que tu vas pour retourner vers ton bureau qui fait face à la salle, tu t’arrêtes dans ton élan avant de te tourner vers lui

« Ah ouai aussi, dans mon cours on a tendance à se tutoyer. J’avoue j’uis pas trop du genre euh, formel ? Mais si ça vous pose un souci je m’adapte, c’est pas un problème ! »

« Astronomie ? Ou bien littérature médiévale ? »

Ton rire résonne dans la salle alors que t’en est presque à te tenir le bide. Ça a pas l’air de faire réagir les élèves qui s’installent, preuve que t’as le rire facile et qu’iels sont habitué·e·s depuis le temps. Il a de l’humour et tant mieux, tu préfères ça. Même si t’en doutais qu’à moitié -tu l’avais un peu ressenti pendant ses cours après tout, quand bien même il restait dans son rôle de prof. Toi on peut difficilement dire que t’as la tête de l’emploi, en tout cas beaucoup moins que la plupart de tes collègues temporaires

« Ou bien êtes-vous peintre ? J'hésite encore.

Oups, démasqué·e ! »

Tu feins terriblement mal la fausse surprise : les yeux qui s’écarquillent bien trop, une imitation de gasp bien trop exagéré. Heureusement que t’es pas prof de théâtre car tu serais vraiment très mauvais ; à moins que tu le fasses exprès. Personne ne peut vraiment savoir finalement. Sourire en coin, tu le laisses s’installer en l’observant. T’as envie de voir où il va choisir de se mettre et ton sourire s’agrandit quand tu vois qu’il prend une table pas si éloignée. Tu t’attendais à plus de questions mais il agit comme un élève modèle, écoutant tes indications sans faire de vague

« Ah euh non, du tout, du tout.

Cool, du coup tu peux m’appeler Warren aussi pendant le cours, j’ai du mal quand on me sert du monsieur ou du professeur »

Tu sens sa légère hésitation mais il t’a laissé une brèche et tu peux pas t’empêcher de le taquiner. Gentiment évidemment, t’es pas un monstre non plus. Tu t’amuses doucement du contraste entre Célestin le professeur et Célestin l’élève alors que tu fais le tour des étudiant·e·s voir si tout le monde a ce qu’il faut ; et aussi pour les saluer. Une fois ton petit tour terminé tu retournes devant ton bureau, te reposant dessus avec les bras croisés sur ton torse. Tu laisses quelques secondes de flottement avant de faire un grand sourire à la classe en regardant chaque élève -en terminant bien sûr par Célestin

« Bon, j’vois qu’il y a tout le monde. J’espère que vous avez bien ramené vos projets de la dernière fois, aujourd’hui on va parler composition et préparation de toile ! C’est pour ça que j’l’ai ramené aujourd’hui »

Tu pointes avec ton pouce en direction du chevalet derrière ton épaule

« Vous me sortez vos brouillons et je jetterai un œil voir si y’en a qui sortent du lot pour commencer la compo’. Mais avant échangez un peu entre vous, que ça soit en duo ou trio ou quoi, d’acc ? »

Ça hoche la tête alors que tu décroises tes bras avant de te décoller du bureau. Ça commence à discuter vivement parmi les élèves mais y’en a un qui n’aura pas d’autre choix que d’être en duo avec toi ; quel dommage. Te voilà à prendre une chaise et t’installer devant sa table, retirant au passage le matos en trop : faudrait pas le saturer d’info’ dès le début non plus

« Bon alors cher élève »

Tu dois te retenir de rire, mais ton sourire te trahit complètement

« T’as déjà un peu dessiné ou peint avant ? Histoire de savoir sur quelle base je pars. Là les petit·e·s bossent sur de la composition mais si t’y connais pas grand-chose on va pas brûler les étapes »

« Bien, monsieur le professeur Warren. »

Tu fais mine de te prendre un coup de dague dans le cœur ; ton imitation est exagérée, volontairement toujours. Mais ton sourire en coin et le léger clin d’œil que tu fais trahissent la vérité : il peut bien t’appeler comme tu veux tu t’en fiches un peu. Mais c’est vrai que t’es quand même plus à l’aise quand on s’adresse à toi de manière direct et moins formel. T’as eu assez de « monsieur », « sergent » et « sir » pour toute une vie -et donc toute une mort. Warren, ça te suffit. Ça te paraît plus … chaleureux ? Plus proche de ce que t’es aujourd’hui aussi. Mais hé, tu fais vieux, alors t’en entends encore parfois des « monsieur ». Au pire ça te fait rien et au mieux c'est un peu marrant.

Sur ta chaise, t’as la bougeotte et ça se voit. A califourchon sur cette dernière, tu peux pas t’empêcher de te balancer très légèrement avec -t’es incapable de tenir très longtemps en place. La seule exception c’est quand tu médites ou quand tu fais de la peinture et même là, t’aimes te lever, regarder de loin, revenir, peindre accroupi avant de te mettre debout et ainsi de suite. Tu donnerais le tournis à n’importe qui mais là, tu fais presque un effort conscient de pas trop bouger non plus, t’as moyen envie de déconcentrer ton élève. Ou lui filer la gerbe, aussi

Il te vouvoie encore et tu lui réponds avec un sourire espiègle ; décidément il te fait vraiment marrer

« Hm. Hm disons que j’ai essayé peu après ma mort, mais ça n’a pas été concluant - à croire que je m’en sors bien mieux en chant. Mais disons qu’à l’époque, le style était plus… classique ? Néoclassique, même. Rococo, si je puis dire.

Ah ouai, c’est original ! »

À mille lieux de le juger, tu constates juste qu’il aime le style un peu ancien. Pourquoi pas hein, étrangement ça t’étonnes pas trop ; non pas qu’il te paraît spécialement vieux mais y’a un air dans son regard, dans son phrasé. T’as presque envie de lui demander quel âge il a vraiment mais hé, ça pourrait le vexer ; il serait pas le premier. Donc tu dis rien, tu hoches juste la tête en l’écoutant avec attention. Ce que t’en conclu c’est qu’il a quelques bases, même minimes, ne serait-ce que savoir ce qu’est un crayon ou une toile. C’est pas si mal en tout cas toi ça te va

« Les temps ont changé depuis lors.

Ouaip, mais c’est pas parce que ça défile que c’est un style à jeter à la poubelle. L’important c’est ce que t’aimes toi, si ton truc c’est le néoclassique ou le rococo bah c’est cool, si c’est autre chose genre surréalisme c’est top aussi ! En plus y’a souvent des vieux trucs qui reviennent à la mode. Heureusement pour moi et mes vieux os »

Petit rire. C’est vrai que t’as l’air plus vieux que lui -en apparence seulement. Tu commences à capter qu’il te dépasse largement sur ce point-là. Mais ça serait mentir que de dire que t’as des vieux os vu ta dégaine et tes muscles. Accoudé au dossier de ta chaise, tu tapotes les feuilles devant lui avant de te pencher un peu

« Du coup cher élève tu pars pas de zéro non plus. Peu importe les erreurs, le « talent » ou quoi c’est ce qu’est beau avec l’art, on peut transmettre un message même avec une œuvre que les autres trouveront pas top. Alors prend ce que t’as sous la main et j’aimerais bien voir quelques croquis, un truc qui te plaît. Et si tu continues à être un élève aussi modèle on verra pour mettre ça en peinture après »

Clin d’œil alors que tu te relèves, tes élèves t'interpellent

« Ça va les tourtereaux ?! On t’attend nous aussi !

Tss, les gosses j’te jure, fais pas gaffe. Bon, j’vois que ça bosse dur hein, montrez-moi tout ça »

Après un regard en coin à Célestin avec tes mains sur les hanches et un dernier rire, te voilà reparti à t’occuper de tes élèves et leurs un peu trop grandes gueules. T’espères pour elleux qu’iels ont bien taffé sinon tu vas pas les louper

« Hm les jeunes de nos jours… »

Son sourire te fait marrer ; tu prends pas sa remarque trop au sérieux. T’es pas trop du genre à reprocher à la jeunesse d’exister et il te renvoie pas cette vibe non plus. M’enfin t’as toujours une marge d’erreur possible. La jeunesse tu vois ça comme un truc cool, comme un espoir et même si des fois t’es franchement à la ramasse tu fais un effort pour éviter de parler comme un vieux con -comme ton père quoi. Mais dans l’immédiat tu résistes quand même à l’envie de frotter les cheveux des élèves qui font des réflexions stupides en leur envoyant ton regard en biais, accompagné de ton sourire qui annonce qu’une chose ; tu vas pas être tendre avec elleux

Tu corriges un croquis, tu donnes des conseils pour un autre, tu montres des petits tips à celui là et tu disputes gentiment celleux qui ne se sont pas trop foulé·e·s. Tu rigoles plusieurs fois mais tu jettes aussi un œil de temps en temps à ton invité du jour. Il semble vachement absorbé dans ce qu’il fait et tant mieux, t’avais peur qu’il s’ennuie le temps que tu gères tes élèves. Les bras croisés, on te rappelle plusieurs fois à l’ordre quand tu te laisses trop distraire par tes pensées et tu replonges dans le travail de tes élèves. Tu leur dis que t’es fier de leur travail car dans l’ensemble, iels se sont bien défendu·e·s. Un petit groupe se forme alors que tu leur indiques comment tendre proprement leur toile pour y reproduire leurs croquis. Plusieurs toiles se percent mais heureusement t’as du rab’ sous la main

Finalement tout le monde a enfin de quoi redessiner les croquis que t’as validé et tu leur donnes les instructions avant de vérifier que tout le monde à la tête dedans avant de retourner vers Célestin. Les mains dans les poches, tu regardes par-dessus son épaule alors qu’il semble ne pas te remarquer. Le signe qu’il s’est laissé prendre au jeu et en réalité, ça te fait vraiment plaisir, car ça prend pas toujours. Et tu le comprends, c’est dur de se lancer et encore plus d’oublier que des yeux verront ce qu’on a créé ; toi aussi t’as connu la peur du jugement. Y’a longtemps. Maintenant tu assumes tout ce que tu peux dessiner, peindre, créer même ce qui est … Discutable. Tu te penches près de lui pour voir le dessin de plus près

« Hé c’est pas si mal ! »

Petit sourire alors que tu tournes la tête, ne respectant aucune règle d’espace personnel, avant de te relever et de t’asseoir de nouveau devant lui

« J’espère que c’était pas trop long. J’aime bien la compo’ de ton dessin, c’est assez vivant. C’est quoi comme coin que t’as dessiné ? On dirait un peu un genre de parc … Ou un grand jardin ? »

Te voilà à le questionner, assis de nouveau à califourchon et le menton posé sur ta paume, un large sourire sur les lèvres.

« J’comprends mieux pourquoi t’es pas très rococo et art élitiste. Ton style a l’air plus … Naturel. Simple. Ce qui est top hein, au moins on comprend ce qu’on voit. Et on ressent bien aussi parce que ça se voit que tu tiens à cet endroit. »

Le regard qui alterne entre le croquis et le visage de Célestin, tu parles beaucoup et on sent ton enthousiaste. Tu savais pas à quoi t’attendre et t’es loin d’être déçu