Leone suivit le regard d’Urie, contemplant le piteux état dans lequel se trouvait le cabinet. Effectivement, il pouvait se permettre d’être mitigé, entre la fumée qui s’échappait encore de dessous le vêtement sacrifié du psychologue, les livres étalés par terre, leurs visages déterrés, plein de sang pour Urie, les vêtements froissés et ensanglantés, et trois yeux hagards. Leone ramassa sa veste fumante – Urie n’opposant plus aucune résistance –, et lâcha un grand soupir lassé. Il commençait sérieusement à en avoir marre de devoir racheter costumes sur costumes.
Le psychologue esquissa un sourire en entendant la question d’Urie, son air maussade s’envolant aussi tôt, et se retourna vers lui avec un sourire qu’il voulait malicieux.
— Ma quee si tu savais, mon p’tit Urie, si tu savais, s’esclaffa-t-il en roulant de l’œil.
Il préféra laisser planer le mystère. En réalité, il devait souvent s’excuser auprès du personnel et de l’administration de l’Agence, presque en se prosternant à genoux, pour les dégâts occasionnés. Une fois, une chimère avait brisé les vitres du petit cabinet en criant, et il avait béni tous les panthéons jamais inventés de s’être trouvé loin d’elle à ce moment-là. Entre ça et les patients qui refusaient leur mort, les zombies qui s’arrachaient les orteils devant lui en pleurant, et les vampires qui l’arrosaient avec leurs poches de sang lorsqu’ils faisaient une crise, la femme de ménage en avait effectivement vu de belles, et son cabinet aussi. Et puis il y avait eu Urie, loin d’être un ange de douceur.
— Tu peux parler, ricana le Sicilien dans sa barbe, en comptant mentalement ce que cet incident lui coûterait.
Souvent – c’est-à-dire lorsque les dommages étaient jugés trop abusés ou importants –, son salaire en prenait un coup, et sévèrement.
Urie retirait à présent les deux bouts de mouchoirs qui lui pendait au nez. Leone se retint de pouffer en se raclant la gorge. Mais il tiqua sur les paroles qui suivirent.
— S’il fallait te nourrir pour que tu viennes aux séances, fallait le dire plus tôt ! commença-t-il l’air de rien, avant qu’un sourire ne vienne s’étirer sur ses lèvres. Ma quee yé ti aurais fatto la pizza, lança-t-il ensuite dans un mixe entre japonais et italien presque intelligible.
Le Sicilien éclata ensuite de son rire fort, ravi de jouer sur les clichés, et d’accentuer son accent face au jeune vampire, qui tient ça en horreur.
— Mhm, ma quee c’est une invitation que je ne peux pas refuser ! répondit-il ensuite à Urie d’un air de défi.
Il n’était alors pas vraiment certain que celui-ci mettrait ses menaces à exécutions.
— Avec ma gueule d’angelo, on viendra me délivrer de ton emprise de toute façon, ma quee c’est toi qui finira en taule pour abus et maltraitance de fonctionnaire et anti-sicilianisme. Raciste va.
Il haussa les épaules avec un amusement non dissimulé.
— Par contre, foutre le feu à mon cabinet t’as pas suffi, ma quee faut encore que tu fumes ? Railla-t-il ensuite. Si tu t’immoles pas, à force, tu vas bien finir par cramer quelqu’un.
Au fond de lui, Leone avait un peu peur que la personne en question ne se trouve être lui.
Jeu 24 Mai 2018 - 20:38
